Comment réussir la mise sous gaz / sous vide d’un sac de 25 kg ?

Le 30/03/2023 à 14:57 par La rédaction

Ensachage

Mathias Elie, responsable commercial France chez CETEC.

L'inertage est une technique efficace permettant de garantir la sécurité et la qualité des produits conditionnés en sac. La mise sous atmosphère modifiée de sacs de grande contenance reste toutefois une opération délicate. Nous avons interrogé Mathias Elie, responsable commercial chez CETEC, qui reprend ici quelques notions de base avant d'apporter ses éclaircissements sur le procédé à mettre en œuvre pour réussir son conditionnement.

 

Qu’est-ce que l’atmosphère modifiée ?

Mathias Elie : L’oxygène contenu dans un sac peut dégrader, oxyder ou altérer le produit. Il peut également permettre à des parasites de survivre, pour des céréales par exemple. Le procédé de mise sous atmosphère modifiée va donc s’attacher à changer l’équilibre gazeux d’un contenant pour diminuer la teneur en oxygène à l’intérieur de celui-ci. Deux techniques sont couramment utilisées : la dilution ou le balayage permettra de chasser l’air en le remplaçant par un gaz inerte, tandis que le vide permettra de retirer la quasi-totalité de l’air présent dans le sac. Qu’il s’agisse de céréales et co-produits, d’alimentation animale, de poudre de lait ou encore de semences, l’objectif commun restera toujours de réduire le taux d’oxygène résiduel dans les proportions recherchées par dilution, par le vide, voire par la combinaison des deux.

Ligne Polyflex avec poste de picking pour analyse du taux d’oxygène résiduel.
Ensacheuse Polyflex pour atmosphère modifiée.

Pourquoi inerter ? Quels sont les objectifs ?

M. E. : L’inertage offre des gains de conservation. La mise sous atmosphère modifiée va ralentir le vieillissement et l’oxydation des matières premières ou ingrédients. Leurs qualités seront donc préservées (fraîcheur, moelleux, organoleptique, etc.) et leur date limite de consommation sera naturellement augmentée. L’inertage permettra par exemple d’allonger les temps de stockage ou de compenser les délais de transport à l’export. L’inertage peut aussi être utilisé comme traitement afin de neutraliser des développements larvaires. L’anoxie réalisée permet de garantir l’élimination de parasites et larves pouvant être présents dans des céréales ou coproduits. La législation est aussi un levier important : elle est beaucoup plus restrictive concernant les produits de traitements, les adjuvants chimiques, les conservateurs, etc. Aujourd’hui, d’un point de vue utilisation ou incorporation, les limitations se multiplient. Citons encore la protection du personnel de production sur ligne qui est également une priorité quand on parle de produits de traitement appliqués en amont du produit à ensacher. La tendance est à une drastique réduction, et elle s’inscrira sur le long terme. Les conséquences sont variées : lutter différemment contre des parasites, freiner l’altération de matières et composants, traiter l’agglomération des poudres d’une autre manière que précédemment, etc. Le gaz neutre se présente comme une réponse adaptée. Aussi basique soit-il, rappelons le principe suivant : moins de dégradation, cela se traduit par moins de pertes, moins de risques de réclamations, une meilleure qualité, conformité, homogénéité, et une meilleure reproductibilité du produit. L’atmosphère modifiée vise l’amélioration du produit : le gaz recommandé est parfaitement inerte et utilisé en agroalimentaire depuis des dizaines d’années.

 

Témoignage de Valorex

M. Millet, directeur industriel de la société VALOREX, située à Combourtillé (35), témoigne : « Nous voulions protéger les caractéristiques de la graine de lin et l'intégrité de ses bienfaits après un transport maritime long pour des marchés grand export. Nous avions une cloche avec réinjection, mais c'était très manuel et pas d'un débit acceptable. Nous avons fait le tour des fournisseurs et cherché à modifier notre ensacheuse existante pour limiter le budget. Mais avions-nous le choix ? Il n'y a pas, sur le marché, de solution performante pour de la demi-mesure. Il faut directement un équipement avec tous les postes indispensables au gaz. Nous avons donc franchi le pas avec CETEC, qui nous a paru le plus expérimenté sur l'inertage dans des sacs de 25 kg. Notre marché export a connu une croissance qui a justifié nos choix. »

 

La mise sous atmosphère modifiée des sacs de grande contenance est-elle nouvelle ?

M. E. : Depuis une quinzaine d’années, notamment sur les marchés du Pet Food et de la poudre de lait, CETEC a pu expérimenter différentes techniques et modes de réinjection et balayage. En prenant l’exemple de l’agroalimentaire, une règle se dégage : le sac à sac. Le jambon ou le fromage ne sont pas gazés dans un trancheur ou une portionneuse mais dans leur machine d’emballage : la situation est identique pour un sac de 25 kg. Le procédé nécessite l’inertage du contenant final, qui doit concerner tout le volume du sac, tout en utilisant le moins de gaz possible. Cette connaissance, alliée aux cadences importantes exigées par le marché du Pet Food, nous a permis de transposer nos compétences et expériences sur tous les autres marchés pour proposer des solutions adaptées et éprouvées.

 

Fermeture sac papier avec scellage d’une sache plastique interne.
Sac plastique triplex avant et après gazage.

 

Quelles sont les spécificités propres à l’inertage dans les grands sacs ?

M. E. : Le contenant est d’un plus grand volume et va défiler avec un temps d’arrêt court afin de conserver une cadence de conditionnement acceptable. Il est donc difficile d’injecter dans le fond et d’avoir un niveau d’oxygène homogène dans un sac de 550 mm de large par 800 mm de haut. De même, la consommation de gaz est un enjeu important : une machine « full servo-moteurs », est nécessaire. Elle aura des mouvements précis, séquencés et contrôlés individuellement pour optimiser chacune des opérations et laisser le temps maximum au balayage de gaz. Bien sûr, il est tentant de « gazer partout » et d’ajouter des buses pour souffler plus. Mais la situation est similaire à celle d’une soudure : ce n’est pas parce que l’on chauffe plus que l’on soudera mieux. Il est important d’être précis. L’envoi anarchique de gaz dans un doseur, dans une bouche d’ensachage ouverte, n’est pas efficace et ne peut que générer des surconsommations de gaz pour un résultat insignifiant quant au taux d’oxygène résiduel dans le contenant final.

Cannes d’injection de gaz pour les poudres.

Quels acteurs interviennent dans de telles installations et quelles sont leurs responsabilités ?

M. E. : Plusieurs intervenants sont impliqués dans une application sous gaz. Les interactions sont nombreuses, mais chacun a ses propres responsabilités bien définies. De son côté, l’équipementier s’engage sur un taux d’oxygène résiduel et sur des soudures étanches et autres caractéristiques (gonflement, cadences, etc.). Le fournisseur de la solution consommable s’engage sur la durée de conservation, avec le niveau et le type de barrière de son complexe, donc une porosité eau et oxygène, et sur les soudures primaires du sac préformé. Quant à lui, le fournisseur du gaz acheminé au système de distribution de l’ensacheuse, sera responsable du choix d’un éventuel mélange, sur l’interaction du gaz avec le produit et de la propreté de celui-ci. Il conseillera l’industriel sur le mode de stockage (bouteille, cadre, cuve et générateur), sur les équipements (détendeurs gaz, flexibles, filtres rampes, raccords, vanne d’arrêt fin de ligne et débitmètres) et le dimensionnement de l’installation.

Mesure de taux d’oxygène résiduel par piquage dans le sac.

Pouvez-vous détailler les différentes étapes du procédé ?

M. E. : D’abord, nous retrouvons les étapes classiques de l’ensachage automatique, avec prise et ouverture de sac, remplissage et, enfin, la fermeture (même si cette dernière aura plusieurs postes). Ensuite, pour gazer, il faut ajouter la canne d’injection, le flexible et le débitmètre, les électrovannes et le monte et baisse mécanique qui permettra de gérer les mouvements et les positions de descente dans le produit. La pression d’injection sera inférieure à 3 bars et le volume injecté de deux à trois fois le volume du sac. Ce dernier sera chargé d’un volume d’air plus important, ce qui ne sera pas compatible avec une palettisation stable. Il s’agit de l’effet « ballon » qui peut rendre les empilements incertains. Pour ne pas risquer une perte de stabilité de la charge sur la palette lors de certaines productions ou certaines saisons (été), il est nécessaire de travailler la mise en forme, puis de désaérer. Injecter d’abord et désaérer ensuite : cela peut paraître incongru, mais cela est nécessaire après avoir fait baisser le taux d’oxygène. Une désaération mécanique permettra de presser le sac et sa tête avant la fermeture. Enfin, la tête de sac sera transférée dans des courroies de transport et de pression pour la maintenir fermée après les cycles vide-inertage, et cela sur toute la longueur des postes de fermeture. Pour garantir la parfaite étanchéité, la soudure est réalisée par combinaison de plusieurs postes de soudures thermiques et d’un refroidissement. Trois postes de soudures vont combiner une chauffe constante adaptée à la température de fusion de l’agent soudant (PP ou PE), et donc fondre et écraser celui-ci avec des réglages de pression, de température et de hauteur ajustables. La pression à froid va assurer le visuel plat et lisse et, surtout, stabiliser la soudure avant basculement et autres transferts qui pourraient fragiliser la fermeture d’un contenant de 25 kg. Nécessairement, cela entraîne l’installation d’une machine plus longue et plus coûteuse. Nous avons évidemment essayé de faire sans un ou plusieurs de ses modules, mais l’inertage a ses figures imposées avec lesquelles on ne peut pas transiger. Faire l’impasse sur l’une des étapes mène inévitablement à des non-conformités sur la qualité du produit (conservation, fuite) ou des palettes (sac gonflé effet « ballon »).

 

 

Quels types de sacs conviennent pour l’inertage ?

Plusieurs fournisseurs de sacs peuvent vous apporter des solutions adaptées. Gascogne Sacs propose par exemple des sacs papier avec sache plastique. Les fabricants d'ingrédients en poudre logés en sacs, au premier rang duquel l'industrie laitière, ont toujours recherché des solutions pour augmenter les DLUO de leur produit ou pour garder quasiment intacte la fraîcheur et les qualités olfactives de leurs produits. Les gaines PE/PA/PE, et surtout PE/EVOH/PE, qui font barrière aux gaz mais aussi aux huiles essentielles, répondent à leurs exigences. Sur son site de Saint-Herblain (44), Gascogne Sacs détient depuis de nombreuses années la maîtrise du façonnage des sacs papier avec ces gaines techniques, doublée de la certification FSSC 22000 assurant une sécurité alimentaire indispensable pour répondre à ces marchés. La société Bischof And Klein présente quant à elle une solution avec double sache plastique, le sac EVOH en double pli : la sache extérieur (sac fond collé) permet d'assurer une résistance aux chocs et de faire barrière à l'humidité grâce au PEBD (transport maritime par exemple). La sache interne en EVOH est soudée dans le fond du sac afin de permettre un vide d'air et l'injection d'azote dans celle-ci. Cette sache possède aussi un pli d'aisance qui lui permet d'absorber la chute du produit sans craindre de rupture de celle-ci. Autre avantage : le sac est monomatière, donc recyclable. L'ensemble du sac se soude très facilement. La société Coveris est également en mesure de proposer des sacs adaptés à cette technologie de mise sous vide et injection de gaz : sacs Quattro Seal ou Flat Bottom étanches avec une barrière gaz, qui peut être un film métallisé ou avec du PE EVOH dans la configuration recyclable.

 

Comment peut-on évaluer la conformité d’un sac ?

M. E. : Un analyseur de gaz et un prélèvement sur le haut et le bas du sac permettront de contrôler le taux résiduel d’oxygène et le bon fonctionnement de la mise sous atmosphère modifiée. Ensuite, pour vérifier l’étanchéité des soudures, une inspection visuelle est la première démarche régulière à adopter. Aussi, des équipements existent pour vérifier la résistance mécanique des soudures et les micro-fuites. Pour l’heure, ces appareils permettent des contrôles sac à sac en picking et sont destructifs pour le produit, mais ils permettent tout de même de détecter des déviations dans le mode de fonctionnement et de procéder à des contrôles (nettoyage des soudures ou autre). Concernant la bonne désaération, la bonne tenue des palettes et un contrôle en sortie doivent permettre au conducteur de ligne de repérer une déviation et un problème de désaération.

 

Accès aux électrovannes et réglages motorisés sur l’ensacheuse Polyflex.

 

Ce procédé de conditionnement avec inertage n’est-il pas trop compliqué à mettre en place ?

M. E. : Il s’agit d’une application bien plus technique que l’ensachage classique, en effet. Nous y retrouvons davantage de stations et la technicité est plus marquée. Il faut aussi un niveau de rigueur plus élevé dans l’utilisation et les contrôles. Mais le conducteur de ligne est plus qu’assisté car, à chaque recette, les réglages sont modifiés par l’ensacheuse par codeur-moteur. Force est de constater que l’implication et la motivation des conducteurs de ligne n’en sont que plus renforcées. Le poste favorise une prise en main très rapide de ce procédé. Concernant le gaz, les éléments sont préréglés et inscrits dans le programme. Les réglages se modifient donc automatiquement au changement de recette : c’est par conséquent transparent pour celui qui conduit la ligne. Le procédé génère un peu plus de contrôles picking et il faut travailler l’ergonomie de la ligne pour les faciliter. Chez CETEC, l’ensacheuse Polyflex est configurée pour l’atmosphère modifiée et conserve le même niveau de performances que les conditionneuses classiques. Elle est également capable de passer du sac plastique non-barrière (PE monocouche par exemple) au sac papier. La polyvalence est aussi conservée puisqu’il est possible de conditionner des sacs de 3 à 30 kg, avec ou sans inertage.

Secoueur fond de sac pour faciliter le mélange du gaz pour le produit.

 

Témoignage de Sud Ouest Aliment (SOAL)

Sud Ouest Aliment SOAL a réalisé début 2022 sur son site d'Anan (31) une ligne d'ensachage capable de réaliser des conditionnements sous vide/sous gaz de 5 à 27 kg et de travailler en sac plastique thermosoudé mais aussi en sac papier cousu. Après quelques mois d'utilisation de l'unité de conditionnement sous vide/sous gaz, le résultat est conforme aux attentes. Nicolas Canellas, responsable du site, livre son témoignage : « Nous réalisons actuellement du conditionnement sous gaz afin d'optimiser la conservation de nos produits tout en prolongeant notre DLUO. Des essais de conditionnement sous vide uniquement vont être réalisés prochainement. Pour permettre cette optimisation de conservation, l'objectif était de réduire considérablement l'oxygène résiduel dans nos sacs. Les mesures réalisées en cours de production mettent en évidence un taux résiduel d'oxygène de 3 %. Le second objectif de cette nouvelle installation était de maintenir une cadence de production importante malgré les étapes d'inertage et d'injection de gaz. À ce jour, la cadence instantanée a été plus que doublée par rapport à notre ancienne installation d'ensachage. Il y a eu une semaine d'arrêt de notre conditionnement lors de l'installation ; un temps très court qui est très appréciable. Nous avons retrouvé une organisation de production en 3 x 8 heures une semaine plus tard (une semaine d'arrêt + une semaine de formation). Nos équipes ont rapidement pris en main l'équipement, notamment avec les réglages motorisés qui facilitent les changements de formats. Le conditionnement sous gaz n'est pas généralisé à toute notre production, mais nous avons cependant augmenté ce type de conditionnement de 20 % environ depuis la mise en place de ce matériel. »