DIGITALISATION

Alors qu’elle rencontrait des difficultés dans la collecte de ses données opérationnelles, la coopérative Valfrance a elle-même développé sa propre solution digitale collaborative, nommée Datizy. Simon Verger, directeur des opérations chez Valfrance, revient avec nous sur la genèse du projet, qui est désormais à disposition de toutes les industries.

POUVEZ-VOUS PRÉSENTER LE COEUR DE MÉTIER DE VALFRANCE ?

Simon Verger : Valfrance est une coopérative céréalière implantée dans deux départements : l’Oise, et la Seine-et-Marne. Menée par son président Christophe Grison et son directeur général Laurent Vittoz, elle rassemble aujourd’hui près de 1 200 adhérents agriculteurs et assure les missions classiques d’une coopérative agricole céréalière de taille moyenne, comprenant la collecte et l’approvisionnement. Nous collectons environ 850 000 tonnes de grains réparties sur une trentaine de silos. Nous avons la particularité de produire également des semences, sur notre site de Senlis (60), là où se trouve le siège social de Valfrance. Nous sommes aujourd’hui très investis dans les filières locales et à haute valeur : Label Rouge, CRC, Bio, Lu-Harmony, etc. Nous servons en grande partie le marché de la meunerie et de l’amidonnerie, mais nous sommes aussi présents à l’export. Nous sommes reconnus pour notre politique qualité, avec des labellisations ISO et RSE AFNOR.

POURQUOI LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES N’EST-ELLE PAS SI SIMPLE SUR VOS SITES DE PRODUCTIONS ?

S. V. : Nous devons effectivement faire face à des difficultés en termes de ressources humaines. Nous avons connu beaucoup de départs en retraite ces dernières années, et le renouvellement des opérateurs n’est pas toujours facile. Nous cherchons des profils très différents et nous trouvons de moins en moins de personnes spécifiquement formées « agents de silos » ou « agents d’usine ». Aussi, bien que les installations soient de plus en plus automatisées, nous avons eu tendance à en demander toujours un peu plus à nos opérateurs, qui doivent alors parallèlement gérer le contact client, le contact agriculteur, l’entretien et la maintenance des installations, mais aussi et surtout l’aspect administratif. Précisons également que pour répondre à la saisonnalité, nous devons faire appel à des saisonniers qu’il faut former.

DISPOSIEZ-VOUS DE BONS OUTILS DE GESTION ADMINISTRATIFS ?

S. V. : La plupart de nos installations sont classées ICPE et nous avons mis en place une politique qualité exigeante, ce qui implique nécessairement du contrôle et des enregistrements. Nous avons par le passé tenté de nous organiser en créant des outils, par exemple via le logiciel Excel ou un jeu de classeurs papiers. L’opérateur devait alors se rendre dans une zone spécifique du site pour relever l’information, puis revenir compléter le tableau dans le classeur adéquat. Il s’agissait là d’une perte de temps, sans parler du risque de perte de données. Nos opérateurs nous signifiaient d’ailleurs que les tâches rébarbatives d’enregistrement étaient pour eux vides de sens. Notre système n’était pas suffisamment abouti et pouvait poser des problèmes de crédibilité des enregistrements. Nous n’étions pas sereins quant à la bonne tenue des registres.

QUEL A ÉTÉ VOTRE CAHIER DES CHARGES AU DÉVELOPPEMENT DE DATIZY ?

S. V. : Notre objectif était d’utiliser le digital pour simplifier les opérations de contrôle et d’enregistrement, assurant de fait la crédibilité auprès de nos clients et de l’administration. L’enjeu est d’autant plus important lorsque l’on sait que lors d’une inspection, des écarts majeurs en trop grand nombre peuvent mener à la fermeture d’un site. Par ailleurs, nous voulions harmoniser les pratiques au sein de nos différents silos. Chaque silo peut en effet potentiellement avoir sa propre manière de fonctionner. Nous souhaitions standardiser la collecte des données opérationnelles pour générer une certaine fluidité entre les sites et entre les opérateurs. Nous avions également pour projet de développer une solution connectée, qui puisse être pilotée à distance.

COMMENT VOUS ÊTES-VOUS ORGANISÉ POUR CONCEVOIR LA SOLUTION ?

S. V. : Valfrance a dans un premier temps développé la solution pour l’appliquer dans ses propres silos. Grâce à nos compétences en interne et, surtout, à la proximité avec le terrain, nous avons dessiné un outil sur mesure pour les coopératives. Après les phases de développements, de tests et d’échanges, nous avons créé une solution qui s’articule en différents modules. L’un de ces modules est dédié à la gestion des tournées. Concrètement, l’objectif est de récupérer sur une interface en ligne toutes les données qui peuvent être demandées soit par la coopérative, soit par les clients, soit par l’administration. Nous avons pour cela développé une application simple et intuitive. Afin de répondre à différentes sollicitations, nous avons créé une filiale de Valfrance spécialisée dans la tech et qui dispose en interne de sa propre équipe de R&D, nommée Datizy. Notre solution intéresse beaucoup les coopératives, les meuneries ou encore les amidonneries. Elles peuvent également avoir un intérêt pour des entreprises de nettoyage, de maintenance, de gardiennage, etc. Grâce à une équipe technique et des commerciaux dédiés, nous sommes désormais professionnalisés pour proposer Datizy.

CONCRÈTEMENT, COMMENT FONCTIONNE VOTRE NOUVELLE SOLUTION ? L’INTÉGRATION SUR SITE EST-ELLE SIMPLE ?

S. V. : Tout d’abord, il convient de placer sur le site des QR-Codes à scanner, dans des zones ou sur des équipements stratégiques. Ensuite, l’administrateur sera en mesure de concevoir des formulaires depuis la plateforme en ligne, destinés à interroger l’opérateur lors des scans. Lors de la préparation des formulaires, il sera également possible de paramétrer un système de rappels. Il suffit pour cela de programmer des tâches à réaliser et leurs fréquences. L’opérateur sait alors quels contrôles ont été réalisés et ceux qui sont en retard, ainsi que les actions qu’il doit mener pour y remédier. Il dispose rapidement de rapports synthétiques, sous forme de calendriers très lisibles qui s’étalent sur la période demandée. La gestion de ses tâches administratives est largement facilitée, ce qui lui permet de se recentrer sur d’autres fonctions métiers. Toutes les informations sont centralisées dans un logiciel, qui propose des tableaux de bords avec les indicateurs propres à un ou plusieurs sites. Nous pouvons ainsi, à distance, détecter des déviances et les corriger facilement. Datizy est aussi un outil de management qui renforce la proximité : nous pouvons accompagner et proposer une aide à l’opérateur pour que les enregistrements soient réalisés correctement. Le système peut être ouvert à d’autres entreprises qui interviendraient sur les silos et qui auraient des informations à transmettre.

APRÈS TROIS ANS DE DÉVELOPPEMENT, POUVEZ-VOUS NOUS PARTAGER VOTRE RETOUR D’EXPÉRIENCE ?

S. V. : Aujourd’hui, la totalité de nos silos ont adopté la solution Datizy. Contre toute attente, la totalité des opérateurs ont pris le pas et personne ne reviendrait en arrière. Nous avons clairement gagné en productivité chez Valfrance. Nous avons notamment pu détecter des anomalies que nous ne détections pas par le passé. Nous avons aussi une certaine satisfaction après des audits positifs. Nos clients sont heureux de découvrir la solution et sont parfois même bluffés ! L’administration est également satisfaite : pour la première fois, nous avons obtenu un allègement de certains contrôles sur des équipements importants pour la sécurité (EIPS). Tout est désormais digitalisé et nos opérateurs n’hésitent pas à nous partager leurs idées pour digitaliser d’autres processus. Nous sommes dans une vraie dynamique d’innovation.

AVEZ-VOUS PRÉVU DE DÉVELOPPER D’AUTRES MODULES ?

S. V. : Nous avons pour le moment développé un premier module destiné à la gestion des tournées, que nous proposons depuis début juin. Nous pourrons à l’avenir proposer un module de GMAO, mais également un module de gestion documentaire. Nous savons qu’il existe aujourd’hui beaucoup de logiciels de gestion documentaire sur le marché, mais elles sont souvent très complexes. Notre objectif est de concevoir une interface simple et ludique. Avec un effort apporté à l’interface graphique, les opérateurs consulteront probablement davantage de documents. Ce type de module permettra aussi à un opérateur de retrouver des documents par rapport à des positions géographiques.