Tous les ports français ont accusé des baisses de leur activité en 2009. Les vracs solides ont été particulièrement concernés, notamment les flux énergétiques, sidérurgiques et les matériaux de construction. Heureusement, la campagne céréalière de bonne tenue a permis aux vracs agroalimentaires et agricoles (agro) de se maintenir.
Selon France AgriMer, la campagne céréalière 2009-2010 enregistre une collecte en progression de 1,5 %. La campagne 2008-2009 avait déjà été marquée par les excellents résultats des céréales françaises à l’exportation. C’est la principale destination des céréales qui empruntent la voie d’eau, notamment via le port de Rouen.
Les ports de la Manche résistent
À Rouen, les résultats du premier trimestre confirment les tendances de l’an passé : -3,7 % sur les vracs solides mais +9 % pour le secteur céréalier. Rouen mise sur 7 millions de tonnes (Mt) de céréales dans une campagne 2009-2010 qui s’annonce en retrait. Doté de 33 terminaux spécialisés, implantés en vallée de Seine jusqu’à la mer, le port de Rouen s’est placé aux premiers rangs des ports dans de nombreuses spécialités : 1er port européen d’exportation de céréales, 1er port français pour l’agro-industrie, 5e port français en tonnage global. Après trois années au-dessus de 22 Mt, le port de Rouen franchit nettement la barre des 23 Mt de trafic maritime avec 23,3 Mt, portée à 28,1 Mt avec le trafic fluvial. Il s’agit du 5e meilleur trafic maritime annuel de l’histoire du port de Rouen. L’évolution du trafic sur une longue période fait apparaître la bonne tenue des vracs, notamment solides, qui représentent 42 % du trafic maritime avec une évolution de + 6,3 %. Ils représentaient en 2009 9,8 Mt, soit + 6,3 % sur 2008. Les céréales constituent une part majoritaire des vracs solides avec 6,9 Mt. L’année 2009 est positive grâce à de belles exportations de blé (6,1 Mt, +15,2 %), et aux excellents premiers mois dus à la campagne céréalière 2008-2009, qui a totalisé 7,5 Mt (la meilleure depuis près de 10 ans). De 2007 à 2009, les céréales sont passées de 5,2 à 6,9 Mt, soit une progression de + 19,2 %.
Rouen a entrepris un projet d’amélioration de ses accès maritimes : la plupart des navires qui transitent actuellement par ses terminaux sont des navires « handysize », dont le tirant d’eau est compatible avec les caractéristiques du chenal du port de Rouen (tirant d’eau de 10,30 mètres à l’export et de 10,70 mètres à l’import). Mais cette flotte de vraquiers, ancienne, ne se renouvelle plus, à l’inverse des « handymax », de plus grande capacité, qui représentent une flotte jeune en pleine expansion. Pour les accueillir à pleine charge, Rouen doit disposer d’un tirant d’eau d’un mètre supplémentaire. Le dragage du chenal et l’adaptation des infrastructures portuaires représentent un projet de 185 millions d’euros. Plus en amont sur l’embouchure de la Seine, le port du Havre a lui aussi du faire face à la crise économique mondiale. Comme partout ailleurs, elle a laissé son empreinte sur l’ensemble des activités portuaires havraises en 2009, avec un résultat de trafic de 74 Mt, avitaillement inclus, soit -8,5 % au regard de l’année 2008. Les vracs solides ont représenté 3,9 Mt en 2009 contre 4,7 l’année précédente. Avec 2,2 Mt, le charbon recule de 11 % tandis que les autres vracs solides (ciment, graves, etc.) diminuent fortement avec 1,6 Mt contre 2,2 Mt en 2008.
La façade atlantique dynamique
En vrac sec sur la façade atlantique, l’année 2009 a été très bénéfique pour Nantes-Saint-Nazaire. « L’hiver 2008-2009 a été très froid, explique Laurent Buvry, chef du service commercial du port de Nantes- Saint-Nazaire. Il a fallu approvisionner la centrale de Cordemais, la plus grande centrale à flamme de France, qui utilise 10 000 tonnes (t) de charbon pour tourner une journée à pleine puissance. » Cela a représenté 2,3 Mt de charbon en 2009, contre 1,5 million en 2007, année de consommation normale. « Les navires viennent classiquement d’Afrique du sud ou du Venezuela, et, quand il faut répondre rapidement, de Russie ou de Pologne », précise Laurent Buvry. Dans les domaines des vracs de construction, les principaux flux à Nantes sont les ciments et les sables. Reflet de la crise et de ses effets sur l’immobilier, ils ont chuté d’environ 20 % : le sable déchargé à hauteur de 2 Mt habituellement n’est arrivé qu’à 1,6 Mt ; le ciment à 240 000 t contre 300 000 t. La ferraille de recyclage, broyée, sous forme de scrap, est destinée aux aciéries électriques, notamment celle de Bayonne ou vers l’export, pour l’heure en Europe, Italie ou Espagne, voire en Turquie. Une deuxième usine de broyage a été mise en service dans l’estuaire ligérien en 2008. Sa montée en puissance s’est traduite par une hausse des exportations de 246 000 t en 2008 à 329 000 t en 2009. « C’est un trafic qui devrait encore croître, prédit Laurent Buvry, car la capacité de l’usine est de 500 000 t. » Le coke de pétrole destiné aux cimenteries subit d’importantes variations : 60 000 t en 2008 contre 220 000 t en 2009. « Cette industrie est toujours en recherche du carburant le meilleur marché, entraînant une grande volatilité des approvisionnements », précise Laurent Buvry. Comme partout, les trafics d’engrais se sont effondrés. « Le cours erratique des céréales a entraîné une baisse d’utilisation très importante des engrais par les agriculteurs » poursuit-il, avec 221 000 t en 2007, 195 000 t en 2008 et 35 000 t en 2009.
Une des deux usines proches de Nantes est même demeurée fermée toute l’année 2009. Pour les terminaux de Nantes, Montoir et Saint-Nazaire, 2009 a également constitué une année record en céréales : 1 328 000 t, soit une progression de 3 %. Laurent Buvry se réjouit que « ces bons résultats liés à une bonne récolte et une bonne demande mondiale, semblent se maintenir dans les premiers mois de 2010 ». Fort de ces résultats Nantes-Saint-Nazaire se place ainsi en 3e position pour l’exportation de céréales, derrière Rouen et La Rochelle. « En l’absence de débouchés vers l’est, les céréales doivent sortir par l’ouest, notamment l’atlantique car la première région productrice est la région Centre. Les coûts d’approches ferroviaires pour Nantes sont inférieurs à ceux de la Pallice. Les céréales sont un vecteur d’avenir. Nous sommes bien situés, et pouvons offrir un fret retour pour l’acheminement ferroviaire, en tourteaux de colza, de tournesols, des engrais, etc. » argumente le chef du service commercial du port de Nantes-Saint-Nazaire. Il existe même des projets d’extension des silos céréaliers à Saint-Nazaire, pour recevoir de plus gros navires hors Union européenne, mais qui sont actuellement ralentis par la réforme portuaire en cours. De manière plus anecdotique, Nantes-Saint-Nazaire est le premier port importateur de tourbe national, à hauteur de 60 000 tonnes/an (t/an). En 2009, seules 47 000 t ont été débarquées ; ce trafic a subi la rigueur de l’hiver, la Baltique ayant été prise par les glaces pendant de longs mois. Mais Montoir-Saint-Nazaire est surtout le leader en importation de vrac agro. « Dans un contexte difficile, le port garde sa place de leader et limite la casse », admet sobrement Laurent Buvry. Toujours largement en tête des ports importateurs de denrées nécessaires à l’industrie de l’aliment du bétail, le grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire enregistre un trafic pour l’alimentation animale en baisse cette année : 1,8 Mt contre 2,3 en 2008 soit un recul de 22 %. « Mais nous sommes dans une année totalement atypique où toutes les filières agroalimentaires ont connu des crises », explique Laurent Buvry. Or l’hinterland du port ligérien comprend la Bretagne, les Pays-de-Loire et le Poitou- Charentes, les 3 premières régions productrices en alimentation animale. Depuis l’achèvement du contournement autoroutier d’Angers et l’accès à Tours, l’hinterland s’est étendu jusqu’à la limite isocoût avec Gand vers l’est, Sète vers le centre et la Bourgogne. « Ces régions maintiennent heureusement leurs parts de marché, et on peut dire que le port de Saint-Nazaire se trouve dans une position géographique enviable », souligne M. Buvry. D’autant que le grand port situé à l’embouchure de la Loire bénéficie désormais de la juxtaposition d’un port classique d’importation et d’un pôle industriel au service de l’alimentation animale : « les flux sont plus complexes, dans leur composition et dans leur gestion, ce qui rend l’activité moins fragile. C’est un privilège d’avoir des usines, c’est de bon augure pour le port. » Grâce à la présence des cinq importateurs – Cargill, Bunge, Agrifeed, LDCommodities et Solteam – la place portuaire ligérienne s’affirme comme un port complet avec une diversité d’opérateurs. Le port de Montoir-Saint-Nazaire est devenu une base industrielle de fabrication de tourteaux, avec deux usines du groupe Cargill, l’une à Saint-Nazaire, l’autre à Montoir, qui triturent l’une du tournesol, l’autre du colza. Une partie de l’approvisionnement de ces unités en graines se fait par voie maritime, « selon les arbitrages du marché ». Et les tourteaux issus des triturations alimentent l’hinterland. « Cette activité industrielle génère aussi de l’exportation maritime de tourteaux : 40 000 t, pour cette année. C’est un nouveau trafic », précise M. Buvry.
Produit leader du port de Montoir, le soja représente toujours la grande majorité du tonnage vrac agro : 1,616 Mt sur les 1,815 Mt de cette catégorie. Ce produit est pourtant en recul de 14,9 % à Montoir, par rapport aux 1,902 Mt en 2008. « L’extrême variabilité des prix a encouragé les fabricants à formuler avec le moins de soja possible, constate Laurent Buvry, mais le soja demeure la reine des protéines. » Selon les analyses du port de Saint-Nazaire, les importations de soja ont globalement reculé d’environ 20 % sur le marché français et de 15 % sur la place portuaire ligérienne, ce qui représente une perte de 300 000 t. « Cette baisse a été plus modérée à Montoir-Saint-Nazaire, car le tourteau de soja non-OGM demeure une forte composante de ce trafic et une spécificité nantaise », poursuit le chef du service commercial du port. Sur 1 619 000 t de soja débarquées à Montoir, 387 000 sont non-OGM. Pour comparaison, Lorient fait 117 000 t dont 21 000 t sont non-OGM, Sète 180 000 t dont 42 000 en non-OGM, La Rochelle 40 000 t dont 1/3 de non-OGM. Nantes-Saint-Nazaire estime traiter une masse critique qui lui permet de continuer à développer ces filières : « Les ports qui ne traitent que quelques milliers voire dizaines de milliers de tonnes ne peuvent pas dédier des surfaces à ces trafics. C’est trop coûteux en terme d’immobilisation de surface », ajoute M. Buvry. L’évolution attendue de la législation européenne sur l’étiquetage, notamment des produits carnés, qui pourrait faire référence à l’alimentation du bétail, devrait avoir un impact positif sur ces filières soja.
L’année 2009 a aussi été synonyme de réforme portuaire pour les anciens ports autonomes devenus grands port maritimes. Nantes a donc organisé les concessions d’activité qui reviennent à Sonastock et Ciments de l’Atlantique pour le poste 4 du terminal multivracs de Montoir, ainsi qu’à MTTM et Sea Invest réunis dans la société nouvellement créée Montoir Bulk Terminal pour les postes 1 à 3 du terminal multivracs. La convention d’opérateur de terminal est en cours de rédaction et les discussions avec les syndicats engagées. Discussions autour du transfert de l’exploitation de ces terminaux, qui s’accompagne de la cession des outillages et du détachement des personnels. Dans le cadre de la réforme, le port est désormais responsable de ses accès et de ses infrastructures. Cette année, il annonce l’achèvement de l’extension de 90 mètres du quai du terminal vrac agro. « Les deux postes centraux du terminal sont réservés aux vracs agro mais parfois ils étaient monopolisés par un seul caboteur, explique Laurent Buvry. À l’inverse, il arrivait que des panamax débordent sur le poste 2. L’extension permet d’accueillir deux caboteurs en même temps ou un panamax sans gêner les autres postes. Cela donnera plus de souplesse. » Les superstructures de ce nouveau linéaire, grues, portiques, etc., incomberont au concessionnaire, Montoir Bulk Terminal. Un renouvellement du matériel et un investissement dans de nouvelles grues sont d’ores et déjà annoncés. Le port, qui est désormais propriétaire de ses infrastructures, envisage par ailleurs d’investir pour compléter ses voies ferrées et augmenter sa capacité de traitement des trains. L’approvisionnement des usines de Montoir en graines et l’acheminement des céréales qui sont exportées, se font au moins pour la moitié par rail. Les importations sont redistribuées majoritairement par la route mais également par rail notamment pour Le Gouessant et La Cooperl. « Nous avons expérimenté les trains lourds, c’est-à-dire de 1 800 t au lieu de 1 200 t, soit 33 wagons au lieu de 22, explique le directeur commercial. Ces trains nécessitent plus de linéaires lors des manoeuvres sur les embranchements pour ne pas saturer les outils. » ...
Francoise Foucher
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