Le secteur coopératif joue un rôle majeur dans les métiers du grain puisque, selon les statistiques 2009 de Coop de France, les 215 coopératives adhérentes représentent 75 % de la collecte totale. Fortes de 300 000 adhérents agriculteurs, les coopératives agricoles adhérentes à Coop de France réalisent 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploient 25 000 salariés.
Le Journal du Vrac vous accompagne dans ce dossier au cœur de la stratégie des coopératives céréalières marquée ces derniers temps par de nombreuses alliances et rapprochements.
Bretagne : L’heure des fusions et des regroupements
La spécialisation des outils, la mise en commun de moyens techniques et une optimisation des coûts sont à l’ordre du jour un peu partout en France, notamment dans l’Ouest où l’on assiste à un rapprochement entre coopératives, qui recherchent ainsi à mieux répondre aux besoins de leurs clients et à rester dans la course.
Lors des assemblées générales des 10 et 11 juin 2010, les adhérents de Cam 56, de Coopagri Bretagne et de l’Union Eolys ont approuvé massivement la création d’une nouvelle coopérative issue de la fusion des trois entités. Celle-ci s’appellera Triskalia et se mettra en place à l’automne, dès que l’Autorité de la concurrence aura donné son accord. Pour Denis Manac’h, président de Coopagri Bretagne et futur président de Triskalia, « il s’agit d’un projet d’envergure, extrêmement structurant pour l’économie agricole bretonne ». Intervenant dans trois grands métiers (voir encadré), l’ensemble du groupe Triskalia représentera en effet 20 000 adhérents, 6 000 salariés, 300 sites en Bretagne et plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 20 % à l’export. Première coopérative agricole en Bretagne, Triskalia figurera parmi les premières coopératives polyvalentes françaises et son siège social sera basé à Landerneau.
La nouvelle organisation se mettra en place à l’automne. Dominique Ciccone, actuel directeur général adjoint de Coopagri Bretagne, sera le directeur général de Triskalia. Les deux directeurs adjoints seront Philippe Michard (actuel directeur général de Cam 56) et Patrice Leloup (actuel directeur général de l’Union Eolys). Pour Michel Le Friant, responsable du pôle céréales de Caliance*, « la création de Triskalia va permettre une rationalisation des points de collecte et une spécialisation des outils ». Si Caliance représente aujourd’hui une collecte d’1,5 million de tonnes de céréales (chiffre 2009), les trois membres de Triskalia pèsent environ 850 000 tonnes. L’une des conséquences à court terme de la création de Triskalia est une réflexion sur l’optimisation des flux de céréales, tant à la collecte (250 points de collecte aujourd’hui), qu’au stockage ou à la vente. « L’optimisation des coûts logistiques est possible car nous travaillons sur un stock unique qui appartient à Caliance, les prestataires de stockage étant ses adhérents », rappelle Michel Le Friant, qui ajoute que depuis la moisson 2010, s’est mise en place une gestion départementale de la collecte (pour les départements 22, 35, 29, 53, 56) qui optimise le réseau de séchoirs existants. Enfin, la création de Triskalia va permettre d’optimiser aussi le déstockage des silos en fonction des contrats et du plan de mise en marché, en sécurisant notamment l’approvisionnement des usines d’aliments des clients toute l’année. « À plus long terme, la création de Triskalia nous permettra d’investir collectivement de façon plus significative afin de répondre aux besoins d’éventuels nouveaux marchés », conclut Michel Le Friant.
Naissance d’Aliouest et de la Coopérative Garun-Paysanne
D’autres exemples de rapprochement entre coopératives ne manquent pas en Bretagne, à l’image de la création d’Aliouest le 1er juillet, coopérative née du rapprochement entre la coopérative de Broons et Cécaliment qui fêtait ses 20 ans cette année. Spécialiste de la nutrition animale, Aliouest, la nouvelle entité agroalimentaire, associe le savoir faire des deux unités de production au service de 5 000 éleveurs du Grand Ouest et de Mayenne. « Aliouest produit annuellement 610 000 t d’aliment du bétail pour une capacité de 650 000 t », précise Hervé Vasseur, son directeur. Pour ce dernier, la création d’Aliouest permet une mise en commun du savoir-faire des deux coopératives en matière d’achats, de formulation des aliments et de logistique, tant au niveau des matières premières que des produits finis. Cette optimisation des moyens techniques aura également un impact positif dans le domaine des céréales grâce à une mise en commun des moyens de stockage et de transport, sans oublier une connaissance plus fine des marchés. La fusion opérée en décembre 2009 (avec effet rétroactif au 1er juillet) entre les coopératives du Garun et de la Paysanne répond quant à elle à plusieurs motivations, comme nous l’explique Jean-Michel Adenot, directeur de la nouvelle coopérative Garun-Paysanne : « Nous visons tout d’abord des économies logistiques, nos deux usines polyvalentes d’aliments du bétail étant à 62 km l’une de l’autre ». Il précise qu’il n’existe dorénavant qu’un seul site administratif à Hénansal. Un volet « offensif » fait également partie des motivations qui ont poussé à la création de la nouvelle structure, avec à titre d’exemple un développement de la distribution des produits vétérinaires, activité historique de la Paysanne. La tour de traitement de la coopérative du Garun pour l’aliment thermisé va également pouvoir être plus largement utilisée. Enfin, la création de la coopérative Garun-Paysanne vient « sécuriser le système », tant au niveau des achats que de la formulation (chaque coopérative gardant son formulateur).
Le capital « matière grise » de la nouvelle structure s’en trouve renforcé, permettant ainsi de mieux répondre aux attentes des éleveurs de porcs, ces derniers ayant un profil analogue pour les deux coopératives de départ (éleveurs autonomes et performants). Pour l’heure, les priorités de la coopérative Garun-Paysanne sont la hausse des matières premières et leur répercussion inévitable à l’automne sur le prix de l’aliment. « La hausse des matières premières est artificielle cette année », estime Jean-Michel Adenot, qui souligne la bonne collecte céréalière de 2011, tant en volume qu’en qualité protéique ou sanitaire.