2/3 de la consommation d’électricité de l’industrie provient des moteurs. C’est donc sur ce premier point que les efforts se portent depuis quelques années pour réduire les consommations énergétiques. L’Europe a notamment soutenu cet effort en obligeant les constructeurs à commercialiser des moteurs à haut rendement. Chez les constructeurs de matériel dédié aux produits en vrac, la motorisation, est en effet le premier élément visé en termes d’économies d’énergie. Mais au-delà du remplacement des moteurs, d’autres solutions se profilent. Tour d’horizon.
La première étape préconisée par les constructeurs pour réaliser des économies d’énergies est celle de l’analyse du process et l’identification des postes énergivores. En effet, chez les fournisseurs de systèmes automatiques, elle est à la base d’une proposition de solution. Olivier Vallée, responsable activité process contrôle chez Rockwell Automation explique en effet que : « sur une ligne de production, les usines ne savent pas combien chaque poste consomme. Il faut donc collecter, mesurer, archiver, pour déterminer cela. À partir de ces données, nous pouvons optimiser une production avec des systèmes de régulation (variateur de vitesse ou régulation prédictive). » Même constat chez Siemens, où Bruno Bouard, expert en efficacité énergétique, préconise notamment les compteurs d’énergie : « Dans l’agroalimentaire par exemple, il y a beaucoup de machines et des consommations différentes partout. C’est pourquoi la plupart des usines ont des compteurs énergie, qui peuvent être connectés à un système d’analyse, pour évaluer les consommations de chaque poste. Notre système de management d’énergie permet par exemple de faire des coupures ponctuelles de machines, quand cela est possible, de réguler les consommations. » Si les postes énergivores ne peuvent pas toujours être déterminés avant analyse, certains constructeurs ciblent tout de même certains postes sur lesquels concentrer l’effort. Ainsi Christophe Champier, directeur général de Sofraden, société spécialisée dans le mélange de poudres, cite les transporteurs à air comprimé, les transporteurs pneumatiques, les mélangeurs, le dépoussiérage comme grands consommateurs ; Olivier Vallée de Rockwell Automation, qui travaille aussi bien pour la chimie que l’agroalimentaire, cible le séchage, l’évaporation suivie du pompage et de la ventilation ; Bruno Bouard de Siemens mentionne le broyage dans les cimenteries.
Les systèmes d’entraînement
Si chaque secteur, chaque process, chaque produit traité est différent, les constructeurs s’accordent sur un certain nombre de solutions. La première d’entre elles est la baisse de la consommation énergétique des systèmes d’entraînement. En premier lieu, la préconisation du moteur haut rendement de classe IE2, qui deviendra obligatoire pour la vente en juin 2011 (voir encadré) et déjà proposé par de nombreux motoristes. Chez Leroy-Somer, on a même un train d’avance : « Nous proposons des moteurs de classe IE2, mais on doit aller plus loin. Avec notre solution asynchrone à aimant performante, nous atteignons déjà la classe supérieure IE3 (qui sera demandée aux constructeurs à partir de 2015) et même les objectifs de la classe à venir IE4 », précise Philippe Faye, responsable de la communication chez Leroy-Somer. Chez d’autres fournisseurs de solutions complètes, cet engouement pour les moteurs de classe supérieure reste plus mitigé. Christophe Champier de Sofraden, comme Bruno Bouard de Siemens par exemple, ne préconise pas systématiquement les modèles de moteurs avec la plus haute efficience énergétique (voir exemple de cas). Deuxième point important, celui de la variation de vitesse, permettant de réduire la consommation énergétique du moteur. C’est ce que souligne Olivier Vallée de Rockwell Automation : « on peut arriver à des réductions de la consommation de l’ordre de 40 %, avec des variateurs de vitesse installés sur les moteurs des systèmes de ventilation avec flux d’air régulés, qui fonctionnaient auparavant en continu et à 100 %. » Le constructeur Sofraden, lui, déplore surtout pour le moment son sous-emploi : « Ce variateur n’est pas encore très utilisé alors qu’il permet potentiellement de faire des économies en termes de consommation énergétiques de l’ordre de 30 % sur un compresseur par exemple. Et pourtant, il ne vaut qu’un quart du prix du compresseur avec un retour d’investissement sur 1 ou 2 ans… » Le variateur de vitesse ne peut cependant être préconisé que quand le process l’exige. Pour d’autres types d’applications, le démarreur progressif peut être proposé en complément d’un moteur haut rendement : « Il permet de réaliser des économies au démarrage du moteur, qui consomme beaucoup d’énergie. C’est souvent une partie que l’on occulte, précise Bruno Bouard de Siemens, alors qu’elle peut permettre des gains intéressants ».
La récupération énergétique
L’effort sur la motorisation, les systèmes de gestion de l’énergie sont les deux premières solutions permettant de réaliser des gains énergétiques. Mais les constructeurs proposent également des systèmes ou des machines permettant la récupération d’énergie. « Nous avons l’habitude de dire que la meilleure énergie est celle que l’on n’utilise pas », déclare M. Champier de Sofraden avant d’illustrer son propos : « Le principe sur lequel nous nous basons est d’utiliser tous les éléments du process : si de l’eau refroidie sort du process, on peut l’utiliser pour refroidir une machine ; si l’installation dispose d’un compresseur qui produit de la chaleur, on peut réutiliser cette chaleur, par exemple pour réchauffer les bâtiments. La production consomme de l’énergie mais est aussi une source. Ce qui est consommé peut aussi être réutilisé. » C’est sur ce principe de récupération d’énergie que se base ce constructeur dans l’une de ses installations pour un sécheur de sable (voir cas pratiques) mais aussi les constructeurs Solex Thermal ou encore Corneloup pour leurs machines (voir produits). Chez Siemens, on propose encore la technologie de variateurs 4 cadrans : « Le moteur consomme beaucoup quand il freine. On peut donc à ce moment-là inverser le sens du moteur pour qu’il passe en mode générateur et produise de l’énergie en freinant. Cette technologie de variateur permet de faire transiter l’énergie du moteur et restituer cette énergie sur le réseau électrique au sein de l’usine. Dans la manutention par exemple, quand un tapis transporteur ou une table élévatrice monte et descend, le moteur devient générateur la moitié du temps. » Systèmes de management, de récupération énergétique, moteurs haut rendement, variateurs de vitesse, sont autant de solutions proposées par les constructeurs pour économiser l’énergie dans l’usine. Elles sont cependant conditionnées par des contraintes et certaines limites. Avant même d’envisager le remplacement de matériels avec un meilleur rendement et plus économes en énergie, certains dysfonctionnements handicapent les usines. Philippe Faye, de chez Leroy-Somer souligne l’importance de la maintenance, négligée dans certaines usines : « Par exemple, une pompe reliée à un moteur, va pouvoir subir un désalignement avec les vibrations, provoquant une hausse de la consommation électrique. Les clients doivent être très vigilants à cela pour ne pas avoir une bonne solution mais mal entretenue, qui n’aurait pas l’effet escompté de réduire effectivement la consommation d’énergie. » Autre élément, que souligne Frédéric Nectoux, de Nord, l’inadaptation de certains matériels : « Tout au long de la chaîne du besoin jusqu’au client, le matériel qui est installé est souvent trop gros. Si la R & D préconise pour une installation un moteur de 9 kW, que le fournisseur n’en a pas et propose du 11 kW, que l’intermédiaire n’a en stock que du 15 kW, etc., cela aboutit en fin de chaîne à un surdimensionnement chez le client. » D’où une surconsommation ou encore une usure plus rapide.
Économiser l’énergie, c’est aussi investir
Mais renouveler son parc de matériel, c’est faire des investissements, parfois lourds pour des TPE ou des PME. Pour Olivier Vallée de Rockwell Automation, c’est l’obstacle le plus important : « Aujourd’hui, dans les PME, les économies d’énergie ce n’est pas la préoccupation principale. L’augmentation de la productivité prévaut. Les baisses de consommation énergétique sont des problèmes de riches, de grosses entreprises, automatisées avec des variables historisées ; ce qui n’est pas le cas des plus petites entreprises avec beaucoup d’opérations manuelles. » Frédéric Nectoux, de Nord, rejoint ce point de vue, mais pour lui il s’agit d’une question de culture d’entreprise plus que d’automatisation : « Souvent les PME n’ont pas les moyens humains, ni la culture pour pouvoir envisager des solutions plus économes en énergie. La personne qui s’occupe de la maintenance par exemple n’aura pas forcément en main le budget énergie. Il ne verra pas l’intérêt d’acheter un moteur plus cher même s’il est plus économe en énergie, parce que son budget maintenance n’est pas rattaché à celui de l’énergie. Alors que dans des grandes entreprises, la direction achat met en relation ces deux postes. » Bruno Bouard de Siemens, lui, estime que toutes les entreprises peuvent réaliser des économies d’énergie, même modestes : « Des TPE ou PME ont toutes de petits automatismes modulaires pour commander les entrées et les sorties. Grâce à cela, on pourra par exemple couper des postes comme la climatisation pendant une demi-heure, sans incidence importante sur la température et réaliser des économies même modestes. » D’autre part, l’entreprise d’automatisme et de motorisation, mise sur l’aide aux investissements, via une banque interne. Certains systèmes d’aides publiques ou européennes aux entreprises, comme le prêt vert d’Oséo ou les certificats économies énergie (voir encadré) peuvent aussi aider à investir dans des solutions plus économes. Si aujourd’hui pouvoirs publics et industriels commencent à se mobiliser pour baisser leur consommation énergétique, le processus en est encore à ses balbutiements. Une question de temps, de volonté et d’incitations, que Frédéric Nectoux de Nord envisage avec optimisme : « Il y a 5 ans, on nous riait au nez quand on parlait d’économies d’énergie. Aujourd’hui, c’est une préoccupation qui touche les industriels. La norme IE2 est imposée à tous les constructeurs et nos principaux clients nous demandent maintenant si nous vendons des produits économes en énergie. Les mentalités évoluent… »
Article d'Emmanuelle Genoud,
paru dans le Journal du Vrac 76, Novembre/décembre 2010
IE Code
Dès aujourd’hui, en Europe, les moteurs IE1, IE2 et IE3 peuvent être mis sur le marché si et seulement si leur rendement est conforme à la norme EN 600034-30. Les appellations EFF3, EFF2 et EFF1 disparaîtront progressivement jusqu’au 16 juin 2011 pour être remplacées par les classes de rendement « code IE ».
En quoi consiste la classification des rendements ? Depuis 1998, en Europe, les moteurs à induction triphasés à cage étaient définis par 3 classes de rendement, dans un accord volontaire européen mis en oeuvre par le CEMEP (Comité Européen de Constructeurs de Machines Électriques et d’Électronique de Puissance) : EFF3 (rendement faible) EFF2 (rendement moyen) EFF1 (rendement élevé) En 2009, le CENELEC (Comité Européen de la Normalisation Électrotechnique) a adopté la norme CEI 60034-30 qui définit les classes de rendement pour les moteurs à induction triphasés à cage. Cette classification concerne les moteurs d’une puissance de 0,75 kW à 375 kW :
IE1 – Standard (équivalent EFF2)
IE2 – High (équivalent EFF1)
IE3 – Premium
Le règlement européen prévoit une mise en oeuvre progressive de la classification « IE-code ». Daté du 22 juillet 2009, il interdira, à partir du 16 juin 2011, la commercialisation des moteurs affichant un rendement inférieur à IE2 (équivalent EFF1). Il autorisera uniquement les moteurs IE3 à haut rendement dit « Premium » à partir de 2015 pour les moteurs de puissance élevée et à partir de 2017 pour tous les autres moteurs.
Pour savoir plus sur le « code IE » sur le site du CEMEP : http://www.cemep.org/index.php?id=53 (Source : Gimélec)