Confrontés à l’augmentation des coûts des matières premières et la pression de la grande distribution, les industriels de l’ agroalimentaire s’invitent au débat électoral pour une reconnaissance de leur activité, la première industrie française.
Alors que le déficit commercial de la France a atteint 69,6 milliards d’euros en 2011, le secteur agroalimentaire dégageait sur la même période un excédent record de 11,4 milliards d’euros, soit la deuxième contribution positive de la balance commerciale après celle de l’aéronautique. Le résultat, issu du bilan annuel des douanes, n’a pas échappé à Jean-René Buisson, président de l’association nationale des industries alimentaires (Ania).
Fort de ses vingt-deux fédérations nationales sectorielles et dix-huit associations régionales adhérentes, ce dernier a adressé début février une lettre aux candidats à l’élection présidentielle. Objectif ? Leur demander de prendre position sur des questions précises, telles que la confiance des consommateurs envers les produits alimentaires, les prix et le pouvoir d’achat, mais aussi la compétitivité du secteur, l’exportation et l’indépendance alimentaire, ainsi que la prise en compte de l’alimentation dans les préoccupations politiques (*). « La politique impulsée par le futur président de la République est essentielle pour l’avenir de notre secteur. C’est pourquoi, nous souhaitons interpeller les candidats afin qu’ils se positionnent sur les questions qui préoccupent nos 10 000 entreprises, leurs 477 000 collaborateurs directs, mais également les 65 millions de consommateurs en France », souligne Jean-René Buisson. « Sont-ils, par exemple, favorables à la mise en place d’un ministère en charge structurellement de l’Alimentation ? Plutôt qu’un rattachement au ministère de l’Agriculture qui donne systématiquement la priorité à l’agriculture, ou qu’un rattachement au ministère de l’Industrie qui ne nous considère pas comme telle. »
Malgré les performances, la position se fragilise
L’agroalimentaire, qui est l’un des seuls secteurs à ne pas délocaliser, se trouve aujourd’hui, à plusieurs égards (situation économique, campagnes médiatiques et taxes) dans une situation très difficile. La zone de turbulence perturbe son développement, car elle n’incite pas à la confiance pour continuer à investir et recruter. Pourtant, selon l’Ania, les entreprises de l’alimentaire ont un rôle stratégique à jouer : « Le secteur continuera à créer de l’emploi, à offrir une variété inégalée de produits, une garantie de qualité sans faille, et surtout, une occasion de convivialité et de bien-être indéniables. Il nous revient donc de faire front ensemble pour préserver notre capital industriel, maintenir sa place dans le monde, et perpétuer ainsi le modèle alimentaire français. » Ces entreprises font aussi figure d’exemple en matière de qualité, d’accessibilité, de prix, de respect des ressources naturelles, d’innovation. Leur principal défi pour le présent et pour l’avenir, sera donc de produire en tenant compte du budget des ménages, de l’épuisement des ressources, et, bien sûr, des contraintes environnementales. L’Ania rappelle toutefois que « malgré les bonnes performances, l’excédent commercial agroalimentaire se fragilise et la France ne cesse de perdre des parts de marchés au niveau mondial mais aussi au niveau européen. » La France a effectivement perdu son rang de 1er exportateur de produits agroalimentaires en 2005 au profit des Etats-Unis, puis des Pays-Bas et de l’Allemagne. « Retrouver notre place de premier exportateur mondial de produits alimentaires transformés, tel est l’objectif ambitieux que nous devons nous fixer pour créer des emplois et tirer vers le haut l’ensemble de la filière. L’assurance de débouchés pour les surcapacités de production actuelles, permettrait de maintenir le tissu industriel sur tout le territoire et par conséquent de renforcer notre premier partenaire qu’est le secteur de l’agriculture », conclut Jean-René Buisson.
Pierre Mitev
(*) détails sur www.ania.net
Ania : le constat
•Part de l’agriculture et de l’alimentaire en baisse dans la consommation effective des ménages depuis 30 ans (19 % du budget des ménages en 1975, 12 % en 2010).
• Volatilité record du prix des matières premières agricoles et de la spéculation, accompagnée d’une hausse de tous les autres intrants (pétrole, électricité, gaz, emballage, …)
• Dégradation croissante de la valeur ajoutée de la filière (niveau début 2011 équivalent à l’année 2000). Quasi-monopole de la distribution alimentaire : sept distributeurs face à 10 000 entreprises avec un déséquilibre du rapport de force très défavorables aux PME. Tensions sur les marges, investissements en baisse (-14 % en 2009, - 8 % en 2010), taux d’utilisation des capacités de production en deçà de la moyenne depuis cinq ans.