K+S Kali attend avec intérêt l’ouverture en 2015 du canal Seine-Nord-Europe qui reliera la vallée de la Seine aux ports maritimes et fluviaux du nord de l’Europe. Le groupe allemand, grand vendeur de potasse, prévoit une augmentation à court terme de la demande d’engrais.
Le groupe allemand K+S Kali, premier producteur européen de potasse et de sel gemme, parmi les premiers fournisseurs mondiaux d’engrais – 4,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires – compte de plus en plus sur la voie fluviale pour assurer le transport en vrac de ses produits. La démarche mérite d’être soulignée alors que le choix de la route continue d’être largement dominant dans les entreprises, quel que soit le secteur d’activité. Jean-Marie Bouet-Sauveterre, responsable de la logistique de K+S Nitrogen, division du groupe spécialisée dans les engrais azotés, indique qu’« entre les campagnes 2001-2002 et 2007-2008, le transport par péniche des volumes de produits est passé de 12 % à 24 %, sans toucher au rail qui assure toujours 30 % des livraisons ». Le transfert logistique s’est effectué au détriment de la route. à cela une raison principale. Les acheteurs d’engrais, coopératives agricoles et négociants, adeptes d’un stockage de produits réduit au strict minimum et du flux tendu faisant la part belle au transport routier, changent désormais de stratégie. Le stock revient à la mode. Chez K+S Nitrogen on explique que le développement du transport fluvial s’inscrit pleinement dans la politique de développement durable de l’industrie chimique : « Nous avons transporté 125 000 tonnes d’engrais par la voie fluviale au cours de la campagne 2007-2008, soit l’économie de 5 000 camions ! » « Le fleuve et les canaux ne manquent pas de mérites. Outre qu’ils limitent la consommation de carburants pétroliers et les émissions de gaz à effet de serre, ils réduisent le nombre d’accidents sur les routes. Le volume de fret embarqué sur une péniche peut varier de 300 tonnes – environ 12 camions –, pour une péniche de gabarit Freycinet, à 2 500- 5 000 tonnes – 100 à 200 camions – pour une barge poussée, en passant par les 1 350 tonnes – 50 camions – des automoteurs rhénans. K+S Nitrogen estime que, selon le lieu de livraison des engrais, le délai, au départ de ses sites de stockage des produits – Anvers, Ludwigshafen, sur le Rhin, en Allemagne, et Ottmarsheim, près de Mulhouse – peut aller de trois jours pour le Grand bassin parisien à dix jours pour le sud de la France. L’entreprise s’est aussi fixée comme règle de livrer ses engrais dans un rayon ne dépassant pas 25 kilomètres autour de la plate-forme de déchargement des péniches.
Adapter la réglementation fluviale
La place prise par la voie fluviale dans l’entreprise va dans le sens de l’histoire. « Il ne faut pas perdre de vue, observe Jean-Marie Bouet-Sauveterre, qu’en 2015 le canal Seine-Nord-Europe reliant sur 100 kilomètres la Seine et l’Oise, à hauteur de Noyon, au canal Dunkerque- Escaut, sera opérationnel. Des péniches à grand gabarit au départ des ports maritimes et fluviaux du Benelux et d’Allemagne pourront rejoindre la vallée de l’Oise puis la Seine. On estime à 15 millions de tonnes le volume de marchandises qui sera transporté en 2020 sur le nouveau canal, ce qui représentera 500 000 camions en moins sur les routes. « Il reste maintenant à adapter la réglementation du transport des matières dangereuses, relativement au point pour la route, à la voie fluviale, ce qui ne semble pas une mince affaire. » En France, une autorisation donnée pour un acheminement routier ne sera pas forcément applicable pour un transport fluvial ou par la mer. Nous fonctionnons encore au coup par coup avec l’administration française. Par exemple, nous avons obtenu il y a quelque temps son feu vert pour charger à Anvers 1 000 tonnes d’engrais à bord d’une péniche à destination de l’est de la France. Ces trois dernières années, nous avons réussi à transporter par le fleuve 18 000 tonnes d’engrais considérés comme matière dangereuse, sachant qu’il y a trois ans, nous étions au tonnage zéro pour ce type de transport fluvial en France. Courant décembre 2009, une première réunion de travail au ministère de l’écologie a réuni les responsables de l’entreprise et ceux de l’administration autour de la question des « interdits » dans le transport des matières dangereuses par la voie fluviale. Le dialogue est engagé.
Un milliard de dollars
Dans les bureaux de K+S Kali, à Levallois, près de Paris, on fait remarquer que l’augmentation annoncée de la demande de potasse et d’engrais devrait contribuer à accélérer la négociation avec l’administration. « C’est ce que nous souhaitons, explique Bruno Decré, directeur de la communication « France » du groupe. Si la demande de potasse s’emballe, le fret ne pourra pas suivre. Nous nous retrouverons en flux tendu et la route reprendra le dessus par rapport au fluvial et au chemin de fer. Ce qui, à l’heure de Copenhague, ne devrait pas être satisfaisant pour tout le monde ! » Le groupe prévoit d’accroître ses capacités de production par des investissements substantiels dans ses mines de potasse en Allemagne : « Nous sommes à la croisée des chemins. Nous pourrions connaître des pénuries de matières premières agricoles dès 2010, du fait de la faiblesse des récoltes. Le stock de sécurité des céréales est en baisse. Toutes nos mines sont en chômage partiel depuis février 2009. » Afin de situer les montants financiers mis en jeu dans ses métiers de mineur, fabricant de produits et engrais potassiques et magnésiens comme le chlorure de potassium, et de metteur en marché des engrais azotés de BASF, K+S Kali rappelle qu’« une mine de potasse d’un million de tonnes représente un investissement d’un milliard de dollars ».