Remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables est une tendance qui va dans le sens de la protection de notre planète. Cergy-Pontoise et les villes qui lui sont rattachées ont décidé d’être acteur de la préservation de l’environnement au travers de Dalkia, le prestataire qui fournit l’eau à 200 °C pour le chauffage des bâtiments publics. Le choix s’est porté sur une chaudière biomasse bois. Le bois, une source d’énergie renouvelable, mais certainement pas inerte!
Epinglée au mur dans le bureau de Daniel Bourdeau, chef de Projets Travaux chez Dalkia, une grande carte qui représente la communauté d’agglomération de la ville de Cergy-Pontoise (regroupement de sept communes en région parisienne). Sur cette carte, tracé en rouge, le réseau de canalisations, appelé réseau de chaleur, qui amène l’eau pour le chauffage urbain et l’eau chaude sanitaire de tous les bâtiments administratifs des différentes communes qui composent la communauté d’agglomération (mairies, écoles, centre sportifs, médiathèques...). D’où provient cette eau chaude ? D’un site de production implanté dans la zone d’activités de Cergy-Pontoise. Un site qui produit de l’eau surchauffée à 200 °C à partir de : 4 chaudières fuel lourd (deux de 17 MW chacune et deux de 52 MW chacune), une chaudière charbon de 52 MW et, depuis peu, une chaudière biomasse bois capable de produire 30 MW. Ce nouvel investissement correspond au projet élaboré par Dalkia, entreprise spécialisée dans les services énergétiques. Dalkia est née en 1998 du rapprochement entre les sociétés Compagnie Générale de Chauffe et Esys Montenay, toutes deux étaient alors filiales du groupe Générale des Eaux (Veolia).
Objectif : produire 50 % d’énergie renouvelable
En 2006 Dalkia a répondu à un appel d’offres émanant de la communauté d’agglomération de la ville de Cergy-Pontoise concernant la fourniture de chaleur. « Elle demandait aux postulants de prévoir un projet novateur en matière de fourniture d’énergie » rappelle Daniel Bourdeau. Cet aspect a été étudié de près par Dalkia qui su convaincre grâce à son projet de chaudière ayant pour source une énergie renouvelable et abondante : la biomasse. Le projet proposé par Dalkia consistait à alimenter en bois une chaudière à partir de ressources provenant d’un rayon de 50 km autour du site. Il s’agit d’un bois propre livré en plaquettes et provenant de travaux d’élagage ou de nettoyage en forêt. S’y ajoutent, d’autres plaquettes qui peuvent provenir, par exemple, de la récupération de palettes propres (mais jamais de bois issus de démolition). Si le projet est innovant et intéressant sur le plan écologique, il est également synonyme d’investissements lourds et de prise de risques importants. Il faut à la fois sécuriser les approvisionnements en bois en amont du site, et s’assurer de pouvoir alimenter en continu une chaudière avec un produit le plus homogène possible. Le challenge n’est pas simple à relever, mais pour le client, l’intérêt financier est loin d’être négligeable comme le souligne Daniel Bourdeau : « si, 50 % de l’énergie utilisée pour produire cette eau surchauffée provient d’une énergie renouvelable, notre client paiera une facture avec un taux de TVA de 5,5 % au lieu des 19,6 % appliqués aux utilisateurs d’énergie fossile ». Pas étonnant que la communauté d’agglomération ait été séduite par le projet proposé par Dalkia. à la clé, pour Dalkia, la concession pour 16 ans de fourniture de chaleur sur le réseau.
Maîtriser les approvisionnements
Une fois la concession obtenue, il faut perdre un minimum de temps pour lancer le projet de chaudière biomasse. Daniel Bourdeau s’adjoint alors les compétences du cabinet d’ingénierie Elys créé et dirigé par Didier Massebeuf. C’est ensemble que les deux hommes vont porter le projet. Le chantier est important. Il regroupe des lots portant sur : le génie civil, la chaudière, la manutention, la partie électrique, la partie hydraulique, le bâtiment et la charpente. En aval de la chaudière, s’y ajoutent, le traitement des fumées et des mâchefers. Côté approvisionnement, Dalkia a passé un contrat avec un fournisseur de plaquettes de bois dont le site de transformation est implanté à Montesson à 25 km de Cergy. C’est là que le bois est broyé et criblé. La livraison s’effectue par camions à fond mouvant de 90 m3 de capacité.
Le contrat stipule que le fournisseur doit assurer un approvisionnement en qualité, en quantité et en prix tout au long de l’année. Ce bois arrive sur le site en format précalibré car le matériel utilisé sur les plateformes ou en forêt ne permet pas d’obtenir un calibrage suffisamment fin des plaquettes pour une utilisation directe en chaudière. « C’est un bois qui se situe entre 30 % et 55 % d’humidité» estime Didier Massebeuf « Pour maîtriser une combustion et obtenir le rendement escompté en chaudière, il faut un combustible suffisamment homogène en calibrage et en taux d’humidité ».
Un circuit de manutention compact et efficace
Une fois maîtrisé l’approvisionnement en matières premières, il faut les stocker et les acheminer vers la chaudière. C’est à la société angevine RBL-REI qu’est revenue cette tâche. Les premiers contacts entre RBL et Dalkia remontent à Mars 2007. Comme pour chacun des lots, Dalkia a lancé des appels d’offres auprès des différents constructeurs en France et hors de nos frontières. Pour le lot manutention, c’est la société RBL REI qui est retenue. Son lot comprend : le dépotage des plaquettes depuis les camions; le traitement du produit par criblage et broyage; la mise en stock de 4 000 m3, la reprise et l’alimentation de la chaudière. S’y ajoute, le traitement des mâchefers en aval de la chaudière. Daniel Bourdeau nous donne les raisons qui l’ont poussé à retenir le constructeur angevin : « Nous avons privilégié une entreprise française. Cependant, si nous n’avions pas trouvé les réponses à nos attentes auprès d’un constructeur français, nous nous serions tourné vers une entreprise étrangère. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait pour d’autres lots. Nous ne connaissions pas RBL-REI, mais ils répondaient parfaitement à nos attentes en proposant des solutions intéressantes ».
Et il en fallait, puisque l’installation ne pouvait pas entrer sur le terrain dans sa configuration d’origine. Il était absolument nécessaire de gagner en compacité. Sur ce point, les échanges entre RBL-REI, Dalkia et Elys ont été fructueux. « Nous avons construit l’installation, mais c’est Dalkia qui va l’exploiter » résume Lionel Landreau directeur commercial chez RBL REI « Il a donc fallu trouver des solutions et faire des compromis pour rendre cette exploitation possible. Nous avons cherché ensemble des solutions techniques qui permettent de répondre aux besoins de Dalkia, tout en restant dans les limites imposées par le budget. Pendant toute cette phase
d’élaboration du projet, nous avons pu travailler en toute transparence en sachant que nos idées restaient entre nous. Inversement, nous ne savions rien sur les propositions faites par nos confrères. Les échanges ont duré ainsi pendant près de six mois, jusqu’à ce que Dalkia opte pour la solution élaborée conjointement avec RBL-REI ». Une solution fiable pour un encombrement minimum.
Plaquettes de bois : attention !
Malgré une forte demande dans ce domaine, la biomasse reste un produit où la manutention est très complexe. Les caractéristiques très variées du bois, nécessitent une véritable analyse du produit pour permettre de définir les solutions possibles de manutention. Le bois, sous forme de plaquettes, est un produit « vivant » et hétérogène, très léger et qui voûte facilement. Sa légèreté est une véritable handicap pour la reprise du produit sous une trémie ou sous un stock. Ici, l’effet de poids que l’on retrouve avec la plupart des produits en vrac n’a pas d’influence. Autre particularité de cette biomasse, elle est composée de fines qui, après une longue période de stockage ont tendance à colmater les plaquettes entre elles.
La solution retenue
Tout l’approvisionnement en bois s’effectue par camions. Il y a trois postes de déchargement, deux postes pour du produit préparé (précalibré) et un poste pour du produit non traité, car Dalkia s’est gardé la possibilité de s’approvisionner en produit de granulométrie non calibrée qui puisse être traité sur place. En cas de problème d’approvisionnement de produit calibré, le site accepte du bois non préparé (avec des sections jusqu’à 0,25 m de diamètre pour 0,5 m de longueur). Le dépotage du produit préparé s’effectue à la cadence de 300 m3/h soit 20 minutes par camion, dans une trémie à double capacité. Ce poste a été aménagé et équipé pour éviter tout les phénomènes de voûtage. à la reprise, le produit est acheminé par bande transporteuse à un crible qui à pour but:
- d’alimenter le silo de stockage en produit de bonne granulométrie.
- d’alimenter la chaudière en produit de bonne granulométrie, en shuntant le silo de stockage.
- de renvoyer le produit de grosse granulométrie au poste déchargement camion de produit non-traité.
Le dépotage du produit non traité s’effectue à un débit de 100 m3/h. Le bois est alors broyé et criblé pour une mise en stock dans le silo de stockage ou directement transféré vers la chaudière via un transporteur à bande et un convoyeur à chaines. Il existe donc deux modes dégradés qui permettent au produit calibré ou non calibré d’aller directement à la chaudière depuis le poste de criblage sans passer par le silo de stockage. De sorte qu’il existe pratiquement deux installations dissociées l’une de l’autre mais qui utilisent les mêmes équipements. Pourquoi tant de précautions ? Parce que la chaudière fonctionne par gavage. Cette technique consiste à l’alimenter en permanence au maximum de ses possibilités, sachant que tout ce qui n’est pas consommé par la chaudière ne va pas dans une trémie tampon, mais retourne dans le circuit, en passant éventuellement par la case silo. La manutention est un mouvement sans fin qui consiste à présenter en permanence à la chaudière un produit bien calibré et débarrassé de tout corps étranger. « L’objectif » rappelle Lionel Landreau « était d’avoir une chaudière toujours alimentée ainsi qu’un système de stockage et d’approvisionnement facile à maintenir. Comme nous n’avions pas beaucoup de surface au sol, qu’il fallait pouvoir stocker 4 000 m3 de bois et faire fonctionner l’ensemble avec un système de reprise en automatique, nous avons du trouver les bonnes solutions ».
Ces bonnes solutions sont généralement des compromis. « Nous avons toujours cherché des systèmes qui soient fiables dans le temps » insiste Daniel Bourdeau « n’oublions pas que Dalkia est une société d’exploitation de chauffage pour qui la fiabilité et la facilité de maintenance sont les priorités. Nous construisons d’abord pour exploiter ». En premier lieu : la sécurité. Elle est primordiale.
Rien qu’au niveau du dépotage des camions, rien n’a été laissé au hasard. La taille des plaquettes, ne permet pas de décharger sur une grille placée au dessus de la trémie comme pour la plupart des pulvérulents. Ici, le produit tombe directement dans la trémie, aussi il a fallu mettre au point un système très sécurisé pour s’assurer que personne ne puisse accéder à la trémie lors du déchargement. RBL-REI a donc cherché et trouvé une solution qui associe grilles de protection et barrière immatérielle. L’ensemble est suffisamment sécurisée pour permettre aux chauffeurs de décharger seuls. Autre contrainte : l’espace restreint. « Malgré le manque de place » fait remarquer Didier Massebeuf, « nous voulions utiliser uniquement des convoyeurs à bande lisse. Leur maintenance est très simple. En revanche ils nécessitent de respecter un degré de pente.
Pour rester dans le périmètre imparti, c’est donc une bande à bords qui a été choisie pour approvisionner le silo. La montée verticale de la bande permet de réduire considérablement les distances ». Quant à la vidange du silo, le choix s’est porté sur un silo à fond plat muni d’une vis d’extraction spécialement adaptée et mise au point pour extraire le bois. Un système fiable qui a fait ses preuves.
Course contre la montre
Flash back sur le déroulement des travaux. Le premier semestre de l’année 2008 a été consacré à la négociation contractuelle, puis aux études de détails sur le lot manutention et en parallèle aux travaux de terrassement en attendant l’obtention du permis de construire. En septembre de cette même année, feu vert. Tous les corps de métiers se précipitent sur le chantier. De loin ça pourrait ressembler à la construction de la tour de Babel, de près, c’est organisé et efficace. Le montage de l’ensemble progresse à grande vitesse sous la houlette de Daniel Bourdeau et Didier Massebeuf qui savent mettre de l’huile dans les rouages pour assurer une bonne coordination. Le résultat est à la hauteur des efforts, puisque le 15 janvier 2009, la chaudière peut démarrer pour les essais. Le printemps et la température estivale sont venus mettre en sommeil l’installation (durant cette période, l’usine d’incinération permet à elle seule d’assumer la production nécessaire en eau surchauffée). Mais pour bénéficier de la TVA à 5,5 % sur l’année calendaire 2009, il va falloir mettre les bouchées doubles pour atteindre les 50 % d’énergie renouvelable dans le volume total d’énergie produite. Ce n’est qu’avec une baisse de la température extérieure, que sera remise en route la chaudière biomasse. Il restera alors octobre, novembre et décembre pour atteindre le quota. C’est possible, si aucune perturbation ne vient enrayer le fonctionnement de la nouvelle chaudière.
Article de Gaël d’Argentré
paru dans Le Journal du Vrac n°69: Juillet/août 2009