A quoi tient donc cette idée fort répandue d’une incompatibilité fondamentale entre chimie et nature ? Probablement à une représentation héritée de temps anciens mêlant savants fous et vapeurs nauséabondes…
Pourtant, l’accroissement de la population mets aujourd’hui le doigt là où cela fait mal : l’activité humaine menace la nature, sa qualité, sa santé, ses ressources. Comment contrôler cette situation ?
Il s’agit d’abord de comprendre l’état des milieux naturels, leurs évolutions sous l’effet de l’activité humaine, les conséquences de ces évolutions et le moyen de les contrôler. Il convient, ensuite, d’enrayer les dégradations en agissant sur ces milieux si complexes. Mais aussi d’admettre que l’homme vit de la nature et en dépend. C’est précisément cet ensemble de démarches que la chimie accompagne. Bien plus encore, elle s’inspire des mécanismes de la nature si incroyablement ingénieux pour inventer matériaux et médicaments ; elle recycle les éléments métalliques que notre technologie aurait vite fait de gaspiller et regarde la matière végétale comme capable de se substituer progressivement au pétrole ; elle analyse la façon dont la nature capte et utilise l’énergie du soleil et se prépare à s’en inspirer…
Et pourtant, la chimie reste le parent pauvre de nos attentions. Nous sommes des êtres irrationnels accrochés à nos images, nous lui préférons celle du bio, de la tradition. Cette représentation est comparable à celle qui frappe l’agroalimentaire, malgré l’extrême pression réglementaire destinée à garantir une production irréprochable. Même image et mêmes enjeux : peut-on nourrir huit milliards d’individus de manière artisanale, en quoi une production artisanale serait-elle plus saine à cette échelle ? L’industrie manufacturière peut produire des appareils périssables et des automobiles équipées d’un tas de gadgets qui n’ont aucun rapport avec la sécurité… Chacun son image.
Le journal du vrac n° 89 Janvier-Février 2013