Spécialiste de l’ingénierie et des matériels pour l’agglomération, le compactage et la granulation des pulvérulents, Euragglo a réalisé un chiffre d’affaires de 3,4 millions d’euros en 2008. Son Directeur général Pascal Hervieu nous explique cette technologie.
L’entreprise, basée à Quiévrechain, dans le Nord, détenue majoritairement par le groupe étatsunien K.R. Komarek – parmi les trois premiers mondiaux du compactage – évolue sur un « marché de niche », estime son directeur général Pascal Hervieu. Euragglo s’adresse aussi bien aux sidérurgistes qu’aux fabricants d’engrais, aux industriels du bois, de l’alimentation animale, de la production de sel qu’aux sous-traitants de l’automobile et de l’aéronautique. En 2008, la société a ouvert un bureau d’études, Compact Ingénierie, en mesure de répondre aux problématiques des entreprises en matière d’agglomération et de granulation. Le service de la recherche et du développement d’Euragglo étudie, sur le mode appliqué, l’« agglomérabilité » des produits que lui présentent ses clients. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Pascal Hervieu fait le point sur les techniques de granulation par compactage applicables à la fabrication des engrais.
JDV : Les engrais minéraux, organiques ou organo-minéraux sont souvent agglomérés par un procédé utilisant la pression pour les mettre en forme. Quelle est la spécificité d’Euragglo par rapport à cette technique ?
Pascal Hervieu : Les procédés auxquelles vous faites allusion font partie de notre savoir-faire. Nous les appliquons à la fabrication de granulés compactés et de briquettes-doses d’engrais obtenus par la technologie des compacteurs à roues tangentes. Quant à la réalisation de pellets, elle fait appel aux presses à filières.
JDV : En quoi consiste la granulation par compactage des engrais minéraux ?
Pascal Hervieu : Le compactage est une agglomération sous pression d’une ou plusieurs matières premières à faible taux d’humidité, après mélange. Le compactage a débuté avec l’agglomération de poussières de charbon puis s’est étendu à d’autres matières premières minérales comme les argiles, les minerais métalliques, etc. Pour les engrais, la granulation par compactage est utilisée depuis longtemps pour le chlorure de potassium. Pour les formules de fertilisants complexes, la granulation par compactage a démarré en Europe il y a environ quarante ans afin de produire des engrais de type phosphorepotassium (PK) et azote-phosphore-potassium (NPK). De nos jours, une trentaine d’usines en Europe granulent du sulfate de potassium et des engrais PK ou NPK par compactage. Lorsqu’on applique une pression sur un mélange spécifique de matières premières préparées, une très grande force liante apparaît entre chaque grain solide, de telle sorte qu’à terme on obtient un produit dense et compact. Ces forces liantes sont de nature diverse - force ionique, forces de Van der Waals, etc. On peut l’améliorer avec des additifs comme la mélasse ou la vinasse.
JDV : Mais, précisément, dans le cas d’une production d’engrais comment procède-ton ?
Pascal Hervieu : Le compactage se fait par la pression appliquée entre deux roues parallèles qui tournent lentement en sens inverse et compactent le mélange de matières à la manière d’un laminoir en acierie. Le compacteur à roues tangentes produit des plaquettes de dix à vingt millimètres d’épaisseur. Ensuite, les plaquettes sont broyées et criblées afin d’obtenir le produit final granulé. Par exemple avec une granulométrie de type 2-5 millimètres. Après le tamisage, les produits trop fins sont recyclés au compacteur, ce qui va déterminer un rendement de granulation. Celui-ci se situe entre 30 % et 60% selon les plages granulométriques choisies, les matières compactées et la configuration de granulation par compactage. Bien sûr, le choix des équipements de broyage et de criblage a un impact direct sur la qualité et la quantité de granulés produits. La sphéricité des grains peut également être améliorée avec l’ajout d’un équipement de post-traitement tel que polissage à sec ou humide, enrobage, etc.
JDV : Quels sont les avantages d’une granulation d’engrais par compactage ?
Pascal Hervieu : D’abord, c’est un procédé à sec. Aucun séchage n’est nécessaire après l’étape de compactage. La corrosion est donc moindre du fait de la faible teneur en eau. Ensuite, il n’y a pas de production de fumées ni de liquides nocifs. On peut parler d’une approche environnementale. Un autre avantage est le fait que les engrais, difficiles ou impossibles à produire en unité de granulation traditionnelle, peuvent être granulés par compactage. C’est le cas des engrais du type N ou NPK avec un taux d’urée important, ou P, PK, NPK contenant du phosphate broyé. D’autre part, pour granuler par compactage on a besoin que de la seule énergie électrique. En fait c’est une technologie simple qui offre, en retour, un investissement limité, des équipements prenant peu de place, une maintenance et une manutention faciles. En ajoutant des traitements complémentaires la qualité du produit fini peut être très proche de celle de la granulation par procédé humide. Le procédé est aussi flexible. C’est-à-dire qu’il est possible d’utiliser un grand nombre de matières premières. Pour un produit final il est donc aisé de choisir entre divers produits possibles en fonction du coût et de la disponibilité. Le changement de production entre formules est rapide. Il faut compter moins d’une heure. Une microsubstance peut être facilement incorporée dans le NPK au stade de la préparation des mélanges.
JDV : La fabrication de briquettes-doses d’engrais minéraux utilise la même technique...
Pascal Hervieu : La presse fonctionne de la même manière. Mais cette fois l’installation produit des briquettes-doses de 5 à 80 grammes environ. Le procédé comprend les étapes suivantes : le dosageformulation des mélanges de matières premières à partir de composants du type chlorure de potassium (KCl) standard, mono-ammonium phosphate (MAP) ou di-ammonium phosphate (DAP), sulfate d’ammonium, phosphate broyé, etc. Puis entrent en jeu l’agglomération sur presse à roues tangentes avec fabrication de briquettes- doses et le criblage des briquettes et recyclage des fines et bavures. La forme des doses est ovoïde ou allongée de type cigare pour une meilleure introduction dans le sol. Ces briquettes peuvent être formulées pour un relargage contrôlé des éléments nutritifs de manière à limiter le nombre de fertilisations annuelles au champ. Grâce à la taille et à la densité de ces doses la lixiviation est limitée. Cela est important dans l’agriculture tropicale où les précipitations peuvent être abondantes.
JDV : Concernant la production de pellets, l’agglomération est réalisée par une presse à filière. Pouvez-vous préciser ?
Pascal Hervieu : Cette technologie consiste en l’agglomération à la pression atmosphérique d’un produit ou d’un mélange pulvérulent composé de matières organiques ou organo-minérales. L’agglomération se fait au passage dans une filière en rotation grâce à la pression exercée par les rouleaux situés à l’intérieur de la filière. à l’origine, cette technologie a été utilisée par les meuniers qui souhaitaient valoriser leurs issues de blé en les ajoutant à des matières premières nobles – céréales broyées – pour faire une farine pour les animaux. Cette pratique s’est développée jusqu’à devenir la fabrication industrielle d’aliments pour les animaux sous forme de granulés ou pellets que nous connaissons aujourd’hui. L’agglomération a lieu dans une filière en rotation montée horizontalement ou verticalement sur la presse grâce aux deux ou trois rouleaux qui exercent une pression sur la couche de produit créée entre les rouleaux et la filière. Par cette pression, les pellets se forment dans les trous de la filière et sont évacués vers l’extérieur où un ou plusieurs couteaux les coupent à la longueur désirée. Ils sont ensuite refroidis pour leur donner dureté et stabilité. Cette agglomération se fait avec ou sans liant ajouté en amont du process, en mélangeuse ou dans le conditionneur sur presse.
JDV : Quelle taille de granulés la machine peut-elle produire ?
Pascal Hervieu : Dans le cas des engrais organo-minéraux, le diamètre des pellets est en général de cinq millimètres. Ils doivent être compatibles avec les matériels d’épandage des agriculteurs et la capacité de délitage dans le sol. Dans les gammes « espaces verts » les pellets ont un diamètre trois millimètres. On trouve aussi des miettes obtenues par passage des pellets dans un émietteur à cylindres ou un granulateur à râpe. Si, dans la majorité des cas, les matières minérales sont d’excellents candidats au compactage par presse à roues tangentes, les formulations organiques ou organo-minérales sont vouées aux presses à pellets. Elles sont plus élastiques et humides et ont besoin d’une compression plus longue dans la filière. Parmi les matières premières utilisées on trouve des vinasses séchées, des tourteaux de cuir, des déchets de lainière, des coques de cacao, du guano, des farines de plumes et d’autres co-produits de la filière animale. Elles permettent d’optimiser les formulations en fonction des disponibilités et des fluctuations des coûts des matières premières. Elles seront broyées, si nécessaire, compostées et mélangées aux produits minéraux et oligo-éléments avant la pelletisation.