Créée en 1984, la société R.Brunone a su se faire un nom parmi les constructeurs de matériels dédiés au vrac solide. Parmi ses points forts : l’innovation. Hugues Delaval, directeur général nous emmène d’abord faire un état des lieux de l’entreprise, puis, René Brunone, fondateur et gérant de la société éponyme nous explique sa vision de l’avenir où l’innovation est plus que jamais à l’ordre du jour.
Le Journal du Vrac : Avant que René Brunone ne nous rejoigne pour cet entretien, Hugues Delaval, vous qui êtes désormais directeur général de l’entreprise, pouvez vous nous présenter la société R.Brunone ?
Hugues Delaval : La société R.Brunone a été créée en 1994. Sa vocation première était la mise en sécurité des convoyeurs à bande.
JDV : Avant de créer cette société, que faisait René Brunone ?
Hugues Delaval : Auparavant, René Brunone avait, conjointement avec son père, une société de montage dans les installations de carrières. Cette société travaillait beaucoup avec TechniFrance qui réalisait des installations complètes pour carrières et sablières. TechniFrance qui est devenue Techmi en 1984 était très réputée en France dans les années 70-80.
JDV : En 1994, René Brunone saute le pas et crée sa propre structure qu’il dirige seul ?
Hugues Delaval : Oui. Il avait repéré la problématique de la sécurité des convoyeurs à bande. Comme il a un tempérament d’inventeur, il a créé cette société pour s’attaquer à ce marché de la sécurité des convoyeurs.
JDV : En créant un nouveau produit destiné à ce marché ?
Hugues Delaval : Oui, un produit destiné à la protection des angles rentrants sur les tambours de tête et les tambours de pied des transporteurs à bande, puis sur les points dangereux des convoyeurs. C’est ainsi qu’est née la gamme SPAR acronyme de Sécurité Protection des Angles Rentrants.
JDV : Pouvez-vous nous rappeler ce que l’on appelle un angle rentrant sur un convoyeur?
Hugues Delaval : C’est la conjonction d’un cylindre en mouvement et d’une bande également en mouvement. Les accidents les plus graves dans les carrières ont pour cause le fait que quelqu’un soit happé au niveau de l’angle rentrant d’un tambour en mouvement. Généralement un convoyeur tourne à 2 mètres par seconde, donc aucun moyen d’échapper en cas d’accident. La sécurité est donc essentielle. C’est sur ce créneau qu’a débuté l’activité de l’entreprise.
JDV : 25 années plus tard, qu’en est-il de la société R.Brunone ?
Hugues Delaval : En 2009, nous avons une organisation qui s’appelle Brunone Innovation qui reprend cinq structures indépendantes toutes détenues par René Brunone. L’ensemble de la société est à actionnariat familial détenue en très grande majorité par René Brunone.
JDV : Qu’est-ce qui explique ces cinq appellations au sein de la société R.Brunone ?
Hugues Delaval : Une suite d’événements. En 1985, René Brunone a pris une participation dans Techmi, une société de fabrication d’installations de concassage-criblage, puis en 1997, il crée R.Brunone et Traon dédiée à l’activité de traitement des poussières. En 2000, il rachète la totalité de Techmi qui dès lors se spécialise dans les solutions de manutention du vrac solide puis, en 2004, vient la création de R.Brunone Canada à Montréal et enfin en 2007, la création d’Architechnique. L’ensemble forme cinq sociétés qui sont cinq entités juridiques gérées par un comité de direction composé de René Brunone, son épouse Carole qui est directeur administratif et financier et moi-même qui suis directeur général.
JDV : Depuis quand occupez vous ce poste ?
Hugues Delaval : J’ai pris ce poste en janvier 2008.
JDV : Vous aviez un poste similaire auparavant ?
Hugues Delaval : Pas tout à fait. Je suis ingénieur de l’Ecole des Mines de Douai et j’ai d’abord travaillé pour le groupe Malet à Toulouse, puis le cimentier Italcementi, en France et au Canada comme directeur de centre de profits.
JDV : Pour en revenir à R. Brunone, c’est une volonté de l’entreprise de bien distinguer ces différentes activités ?
Hugues Delaval : Oui. Chaque société a son créneau d’activité distinct, même si toutes sont basées en un même lieu géographique. à l’exception de R.Brunone Canada bien sûr.
JDV : Que représente l’ensemble ?
Hugues Delaval : Environ 45 personnes et 13 millions d’euros de chiffre d’affaires.
JDV : Quelles sont les activités spécifiques de chacune des entités ?
Hugues Delaval : R.Brunone est centrée sur la mise en sécurité active et passive. Ce qui veut dire non seulement réaliser la protection des points dangereux sur un convoyeur mais également installer des composants pour que les opérateurs n’aient pas à intervenir lors d’opérations de maintenance par exemple.
JDV : Les solutions de sécurité concernent- elles les installations nouvelles ou également des installations existantes ?
Hugues Delaval : Nous travaillons sur les deux registres : les convoyeurs neufs etdans ce cas nous nous adressons plutôt aux constructeurs de matériels ou à des clients qui nous demandent d’installer nos systèmes sur du neuf; la rénovation de convoyeurs existants. Mais l’un des axes de développement est vraiment de proposer des solutions aux constructeurs pour qu’eux-mêmes ne passent pas du temps à développer des solutions qui existent et qui ont fait leurs preuves. Nous avons déjà réalisé des partenariats avec plusieurs constructeurs. En 2009, nous aurons une démarche très organisée pour développer une gamme de produits spécifiques pour la première monte avec un « Pack Constructeur » : des tarifs intéressants; un partenariat ; une formation et des adaptations. Pour l’étranger, nous travaillons avec des distributeurs qui vendent et implantent eux-mêmes nos produits. Il s’agit alors uniquement de rénovation.
JDV : Quels sont les zones les plus concernées par la protection rapprochée sur un convoyeur ?
Hugues Delaval : La première démarche consiste à éliminer le risque. La protection rapprochée concerne les tambours de tête, les tambours de pied, les tambours d’inflexion. Chaque fois que c’est possible, nous supprimons le rouleau qui est une pièce dangereuse pour le remplacer par des barres de glisse, des matelas de réception en PolySpar. Nous proposons également des solutions de retournement de bande en extrémité de convoyeur, pour faire en sorte que le brin sale reste tourné vers le haut lors du trajet retour.
JDV : Ce n’est pas toujours possible ?
Hugues Delaval : Il faut effectivement une longueur de bande de 30 à 40 mètres minimum pour l’envisager.
JDV : Vous estimez que ce type de dispositif participe aussi à la sécurité ?
Hugues Delaval : Oui, dans la mesure où il évite qu’un opérateur approche la bande pour la nettoyer.
JDV : Que fait R. Brunone & Traon ?
Hugues Delaval : Le dépoussiérage et le confinement lors de la manutention de matériaux en vrac. Notre philosophie consiste d’abord à confiner les matériels avec une solution parfaitement étanche et non pas un simple capot. Aucune échappée de matériau ni de poussière n’est possible.
JDV : Quelles industries sont concernées par ces applications ?
Hugues Delaval : Toutes les industries qui font appel à la manutention en continue et qui ont à régler des problèmes de poussières.
JDV : Vous offrez d’autres solutions dans ce domaine ?
Hugues Delaval : Nous effectuons également de l’aspiration ponctuelle avec des filtres entre 2 000 et 7 000 m3/heure pour mettre en dépression notamment à la sortie des concasseurs, ou des cribles, là où il y a beaucoup de poussières. La difficulté dans le confinement et l’aspiration, ce sont les interfaces. Les normes en termes de santé pour les travailleurs sont de plus en plus draconiennes, avec les silices cristallines concernant les risques de cancer et dans la majorité des cas nous arrivons à atteindre les normes imposées par le RGIE et les réglementations sur les poussières cristallines.
JDV : Autre société spécialisée : Techmi. à qui s’adresse-t-elle ?
Hugues Delaval : C’est la plus grosse société de l’ensemble. Elle vend des solutions de convoyeur à bande complet essentiellement dans le domaine des mines et carrières, mais également de l’industrie. Nous voulons nous différencier du convoyeur traditionnel, en fabriquant des convoyeurs curvilignes avec des rayons très prononcés et de très grandes longueurs. Nous proposons également des convoyeurs double sens constitués de stations en béton qui permettent de charger les deux brins, en parallèle. Nous avons quelques applications où l’on transporte un matériau dans un sens sur un des brins de la bande et un autre matériau part en sens inverse sur l’autre brin de cette bande. Nous travaillons également sur des stackers linéaires, chargement et déchargement de trains, chargement de bateaux, convoyeurs ripables, convoyeurs franchissant des rivières. Nous avons par exemple installé pour Eurovia un convoyeur qui passe au-dessus de l’Adour avec un pont suspendu de 100 m de longueur.
JDV : Il n’a pas connu de problèmes lors de la dernière tempête ?
Hugues Delaval : Non, il a résisté.
JDV : Vous réussissez à vous distinguer de vos concurrents dans tous ces domaines?
Hugues Delaval : Nous réussissons à nous distinguer par notre maîtrise technique et notre expérience qui nous permettent de proposer le plus souvent des solutions inédites. C’est le cas avec la réalisation de convoyeurs courbes qui évitent les discontinuités et les ruptures de charges, chaque fois qu’il est nécessaire de changer de direction. Nos clients apprécient notre savoir-faire dans ces domaines.
JDV : Combien de personnes travaillent chez Techmi ?
Hugues Delaval : Une dizaine de personnes. Essentiellement au Bureau d’études. Ensuite nous confions la fabrication à des sous-traitants agréés et le montage à des équipes spécialisées et affiliées.
JDV : Qu’en est-il de Brunone Canada ?
Hugues Delaval : C’est une société récente qui reprend toutes nos activités sur l’Amérique du Nord. Elle se développe et vend nos produits avec un certain succès, même s’il s’agit d’une activité qui reste modeste à l’échelle du continent Américain. Cependant, nos produits intéressent les entreprises et nous avons quelques gros projets actuellement aux états-Unis et au Canada.
JDV : Enfin, Architechnique ?
Hugues Delaval : C’est la dernière née de nos activités. Nous sommes deux personnes à nous y consacrer au sein de l’entreprise. Il s’agit d’une activité de conseil et d’audit. Son rôle est de vendre au client un service dès lors qu’il ne dispose pas d’une direction technique. Ce sont généralement des entreprises de petite et moyenne taille que nous pouvons aider dans la réalisation de leur projet depuis l’origine, en passant par la définition du process, le choix des matériels, le cahier des charges, la consultation des fournisseurs, la commande et la réalisation du chantier... Et cela, sans être dépendant d’un constructeur.
JDV : Pourtant vous êtes un constructeur ?
Hugues Delaval : Oui, mais dans le cas présent nous parlons de solutions de process. La manutention n’est qu’une partie d’un projet. Architechnique étudiera avec le client des solutions qui feront l’objet d’appel d’offre. Le process peut faire appel à des solutions de concassage, criblage, extraction, transport... Dans tous les cas, c’est notre client qui choisi ses fournisseurs.
JDV : C’est une activité qui se développe ?
Hugues Delaval : Oui, nous avons confiance, même s’il n’est pas toujours évident de faire admettre à des clients potentiels de payer pour une activité de conseil.
JDV : Où sont implantés vos clients ?
Hugues Delaval : Notre fond de commerce est français à l’origine. Il s’est développé avec des agents et des distributeurs répartis sur des zones géographiques. Nous sommes actuellement en train de travailler sur notre réseau de distribution pour accroître notre pénétration.
JDV : Des agents multicartes ?
Hugues Delaval : Oui, mais également des sociétés de maintenance ou des vulcanisateurs, car ce sont eux qui ont le contact le plus proche avec nos clients, eux qui voient les problèmes de sécurité, de confinement et tout ce qui touche au fonctionnement des convoyeurs. Nous bénéficions d’une bonne notoriété et nous sommes souvent recommandés par les organismes de contrôle. Nous vendons également en direct, c’est notamment le cas avec Techmi. à l’étranger nous travaillons avec des distributeurs. Nous avons des contrats de distribution exclusifs sur l’Allemagne, la Hollande, la Norvège, la Suède et trois provinces du Canada (Ontario, Manitoba et Saskatchewan).
JDV : Vous suivez également certains de vos clients dans d’autres pays ?
Hugues Delaval : Oui. Nous sommes notamment consultés par quelques grands groupes cimentiers Nous avons ainsi des réalisations aux émirats Arabes Unis, en Grèce, en Asie, en zone Caraïbes, au Portugal ou en Belgique.
JDV : Côté innovations, Que peuton attendre de la part de Brunone Innovations ?
Hugues Delaval : C’est René Brunone qui dirige le pôle Recherche et Développement, ce pôle travaille actuellement sur un convoyeur tubulaire appelé Transduc. Ce convoyeur sera la révolution des années à venir. Bien sûr elle sera fendue pour être ouverte lors du remplissage et de la vidange, mais fermée et jointive pendant toute la phase de transport du matériau. L’originalité de cette innovation tient au fait que le convoyeur sera posé dans un tube rempli d’eau jusqu’à une certaine hauteur. La bande transporteuse en forme de tube circulera dans ce tube, l’eau ayant pour but de faire flotter la bande et diminuer ainsi les frottements. Ainsi, il faudra dix fois moins d’énergie pour déplacer le matériau. Le transport pourra se faire sur des longueurs de plusieurs dizaines de kilomètres. Le brin de retour sera luimême placé dans un second tube parallèle au premier. Ce convoyeur doit pouvoir permettre d’effectuer du transport notamment dans des zones très sensibles (zones urbaines ou zones protégées) sans bruit, sans poussières, dans des canalisations qui peuvent être enterrées. Le tout avec des débits pouvant aller de 20 à 500 m3 par heure.
René Brunone vient nous rejoindre pendant l’interview
JDV : Où en êtes-vous de ce Transduc ?
René Brunone : Nous croyons beaucoup dans ce tout nouveau type de convoyeur. Nous sommes prudents parce que comme toute innovation, celle-ci a besoin d’être développée, testée, fiabilisée, mais le concept existe, et il est breveté.
JDV : René Brunone cela fait longtemps que vous travaillez sur ce convoyeur tubulaire ?
René Brunone : Cinq ans.
JDV : C’est une idée qui a surgit tout à coup ?
René Brunone : Les idées ne surgissent jamais d’un seul coup, elles font suite à des questions posées par nos clients. Ici, la question s’est posée avec les Salins du Midi. Ils ont une calanque en Espagne qui fait environ cinq kilomètres de long par deux kilomètres de large pour une profondeur de 1,20 m. Le sel qui est récolté est chargé dans des petites barges. J’avais déjà imaginé mettre des convoyeurs sur des bouées flottantes et quand ils m’ont présenté le problème avec l’idée d’une bande qui puisse aller directement sur l’eau, j’ai commencé à réfléchir à une bande flottante qui soit supportée par la poussée d’Archimède.
JDV : Vous pensez qu’il y a beaucoup d’applications pour ce type de bande.
René Brunone : Oui, beaucoup et même des applications que l’on ne soupçonne pas. Pour moi, le domaine des ordures ménagères est l’un des domaines les plus concernés par ce type d’application.
JDV : C’est-à-dire ?
René Brunone : à partir du moment où il n’y a plus d’entretien, il devient possible de mettre un tube à une profondeur de 50 cm sous une chaussée ou un trottoir. Il y aurait alors un point de chargement et un point de vidange, comme l’a fait Barcelone avec des tubes et de l’air comprimé, à la différence que l’air comprimé réclame une importante quantité d’énergie.
JDV : Ce projet de Transduc a déjà été présenté ?
René Brunone : Oui. Il y a même un certain nombre de clients potentiels qui attendent que l’on sorte le produit.
JDV : Quand va-t-il sortir ?
René Brunone : Nous travaillons actuellement sur la presse qui fabriquera cette bande tubulaire très particulière, mais disons que dans les deux années à venir, le projet devrait prendre forme… ou être abandonné... En fait, dès que nous aurons fabriqué notre premier morceau de bande, nous allons l’essayer, nous avons un client potentiel prêt à tenter l’aventure. C’est relativement simple, puisque l’on peut faire l’essai sur quelques centaines de mètres sans avoir besoin d’infrastructures compliquées. Après il restera à imaginer des convoyeurs de 100 kilomètres par exemple.
JDV : Existe-t-il un endroit qui nécessite un convoyeur d’une telle longueur ?
René Brunone : Oui, dans des carrières, dans des mines, là où actuellement le transport s’effectue par camions, trains ou bateaux.
JDV : Et pour franchir des obstacles ?
René Brunone : Il est possible de les franchir en aérien ou faire du mixte sous-terrain/ aérien.
JDV : Ce type de convoyeur simple et économique sera moins cher qu’un convoyeur classique ?
René Brunone : Non, il sera plus cher à l’achat. Mais si l’utilisateur élimine l’entretien, et aussi l’accès pour l’entretien (créer des chemins d’accès pour approcher de la bande) le coût deviendra alors nettement inférieur à celui d’un convoyeur classique. Il faut faire un calcul global sur la solution de manutention.
JDV : Nous traversons actuellement une crise économique. Êtes-vous touchés par cette crise ?
René Brunone : Nous nous en sortons assez bien dans le secteur de la manutention, car nos clients continuent de produire. Or, même si la production diminue, les besoins de manutention restent identiques. Il faudra toujours un convoyeur pour transporter un produit d’un point à un autre, même si le volume de production diminue. Mais il y a effectivement des investissements de renouvellement, d’extension, de modernisation... qui vont être annulés ou reportés. Nous sommes attentifs à la crise, mais il n’y a pas de baisse significative de notre activité. Nous avons diversifié suffisamment notre fond de commerce pour rester actifs même s’il y a un petit tassement en France. Concernant les composant et le dépoussiérage, cet optimisme est un peu plus nuancé, car il s’agit d’investissements qui peuvent être reportés malgré les nécessités de mise aux normes, nous enregistrons donc un tassement des commandes.