Conduite à la demande de sa commission « moteurs et compresseurs », cette étude du Cetim vise à définir des méthodes simples pour diminuer des vibrations importantes sur de la tuyauterie souple ou rigide en sortie de compresseur.
La première phase a consisté à caractériser plusieurs compresseurs. Plusieurs techniques ont été utilisées pour cela, mais compte tenu des contraintes expérimentales (nature du flexible, technologie des compresseurs, encombrement, etc.), la caractérisation a été centrée sur l’analyse des signaux vibratoires du compresseur en rapport avec sa cinématique. Des essais de montée en vitesse permettant de déterminer les zones de résonances de la structure ont également été réalisés pour compléter la caractérisation. Les analyses ont conduit à orienter l’étude vers la diminution des phénomènes vibratoires liés aux pulsations de pressions.
La phase suivante a examiné les principes fondamentaux d’atténuation des phénomènes pulsatoires (théorie concernant les silencieux dissipatifs, silencieux réactifs).
La dernière visait à appliquer une solution permettant de diminuer les phénomènes vibratoires sur compresseur. Des calculs ont été réalisés pour dimensionner le dispositif d’atténuation, ainsi que pour l’intégrer au mieux dans l’environnement du compresseur utilisé pour les essais. Une campagne d’essai a ensuite été effectuée. L’analyse des résultats a mis en évidence l’influence positive du dispositif sur les vibrations de tuyauterie.
Phase I – Essais sur un compresseur à vis
Les premiers essais ont été réalisés avec un compresseur utilisant une technologie à vis. L’analyse des résultats expérimentaux a débouché sur l’hypothèse de travail suivante : les pulsations de pression seraient la cause principale des vibrations dans le réseau de tuyauterie. Il est alors intéressant de déterminer les fréquences des pulsations de pression et de trouver une solution pour en diminuer les effets sur le système.
Un calcul par éléments finis basé sur les caractéristiques du compresseur a également permis de mettre en évidence les fréquences pour lesquelles le système est susceptible d’entrer en résonance (cf. tableau 1). La connaissance de ces fréquences est une information importante qui pourra être mise en relation directe avec les fréquences de pulsations de pression, afin d’éviter les fonctionnements à risque du système (système fonctionnant sur une résonance).
Une méthode de calcul théorique a également permis d’obtenir, à partir des mesures de pulsation de pression, l’impédance de la ligne de tuyauterie. Ce calcul simple donne une bonne approximation et est en accord avec le calcul des fréquences du tube. De plus, la comparaison des fréquences caractéristiques du compresseur par rapport à des modèles de source de débit et de pression, a montré que le compresseur se rapproche d’une source complexe mixte, intermédiaire entre source de débit et source de pression.
Phase I – Essais sur un compresseur à piston
La seconde campagne a porté sur un compresseur à pistons. Dans ce type de compresseur, à l’aller, le piston comprime et refoule le gaz. Pour cela, chaque étage est muni de clapets anti-retour.
Le clapet d’admission ne laisse passer le gaz que vers la chambre du piston, le clapet d’échappement ne laisse passer le gaz que vers le circuit extérieur. Le compresseur utilisé pour la campagne d’essais est du type « à membranes ». Les pistons ne sont donc pas directement en contact avec le gaz.
Cette technologie est particulièrement bien adaptée pour véhiculer des gaz dangereux.
Le compresseur est composé de deux étages à simple effet. Le premier étage, à basse pression (BP), comprime le gaz une première fois. Le gaz est ensuite dirigé vers l’étage à haute pression (HP). L’analyse des résultats des montées en vitesse met en avant les fréquences liées aux pulsations de pression. Ces fréquences caractéristiques du compresseur sont listées dans le tableau 2.
Si l’impédance interne du compresseur est faible, l’excitation peut être fortement dépendante de la tuyauterie. La connaissance de l’impédance de la ligne de tuyauterie contribue donc à la caractérisation de l’excitation. C’est la raison pour laquelle un calcul d’impédance, basé sur les deux mesures de pression effectué sur le réseau de tuyauterie en sortie de compresseur, a été effectué.
Les résultats font apparaître des fréquences de résonance très proches de celles d’un tube en quart d’onde. Ces fréquences sont listées dans le tableau 3 ci-dessous.
Les essais ont permis de mieux appréhender la source d’excitation, néanmoins il ressort de l’étude qu’il est également important de prendre en compte les phénomènes de structure qui peuvent interagir avec cette source. Les essais de montée en vitesse et les calculs effectués (résonances acoustiques des tubulures) sur les compresseurs testés ont permis d’apprécier ces phénomènes.
Ces interactions sont importantes à prendre en compte, car elles peuvent dans certains cas aboutir à des ruptures par fatigue de certains composants mécaniques suite à des réponses vibratoires excessive.
Phase II – Les solutions technologiques
On distingue deux grandes familles de silencieux :
- Les silencieux dissipatifs : le principe des silencieux dissipatifs repose sur l’affaiblissement des ondes qui les parcourent, par dissipation d’énergie à l’aide de structures absorbantes. L’exemple le plus simple est celui d’un tuyau dont les parois sont tapissées d’un matériau absorbant.
- Les silencieux réactifs : sur le plan acoustique, le principe du silencieux réactif est peu complexe. Son fonctionnement est basé sur l’interférence des ondes. Dans une cavité, l’onde incidente est réfléchie et décalée de 180°. L’addition de l’onde incidente et réfléchie arrive ainsi à atténuer le son. Cette catégorie de silencieux est principalement efficace dans le domaine des ondes planes.
La chambre d’expansion
La chambre d’expansion constitue l’un des silencieux réactif le plus simple. Il consiste en une augmentation ou une restriction de la section de passage d’un conduit.
Les brusques changements de sections sont assimilables à des changements d’impédance et nous avons en quelque sorte un système de filtrage (par analogie électrique) qui atténue certaines fréquences et en laisse passer d’autres (filtres passehaut ou passe-bas). Les singularités les plus simples sont l’élargissement et le rétrécissement du conduit. Dans les deux cas, une partie de l’énergie incidente est réfléchie.
Remarque : Une évolution possible du silencieux à chambre d’expansion peut être l’ajout d’une plaque interne perforée (cf. figure 5). Selon le cas, un matériau absorbant peut également être inséré entre la paroi externe du silencieux et la plaque perforée.
Une étude universitaire a montré que la perforation apporte principalement une atténuation dans les hautes fréquences. De plus, les courbes de comparaison des TL (Transmission Loss) mettent en évidence des similitudes avec un résonateur de Helmholtz selon les dimensions utilisées.
Le tube fermé ou quart d’onde
Similaire au principe de la chambre d’expansion, le tube fermé est également appelé « quart d’onde ».
L’objet de ce silencieux est d’atténuer les pulsations de pression à une fréquence particulière. Il agit en créant une réflexion de l’onde acoustique de façon qu’elle revienne en opposition de phase au point où on souhaite réaliser l’atténuation, pour que l’amplitude résultante soit minimale au point considéré.
Pour que l’onde revienne en opposition de phase, il faut que la longueur du silencieux soit égale au quart de la longueur d’onde de la pulsation de pression, d’où son nom. Pour provoquer la réflexion de l’onde, on peut utiliser un dispositif perpendiculaire à la section.
Contrairement aux silencieux de types chambre d’expansion, le tube fermé a une atténuation en bande fine. Son utilisation est pertinente dans le cas où des fréquences fixes sont à atténuer.
Comme pour le silencieux à chambre d’expansion, ce silencieux présente des possibilités d’amplification lorsque les ondes sont en phase (phénomènes non mis en évidence dans une représentation TL).
Le résonateur d’Helmholtz
Le résonateur d’Helmholtz est constitué d’une enceinte à paroi rigide contenant un certain volume d’air, reliée à l’extérieur par une ouverture de longueur l et de rayon r que l’on appelle col.
Lorsque l’on connecte une cavité au conduit par l’intermédiaire d’une tubulure, on obtient un résonateur d’Helmholtz. Il s’agit d’un système résonant assimilable à une masse (bouchon de fluide dans la tubulure) et un ressort (fluide compressible dans la cavité) que l’on peut également réaliser de manière étendue en utilisant un panneau perforé, fixé à l’intérieur du conduit à une certaine distance de la paroi (les cavités correspondant à chaque orifice ne doivent pas nécessairement être cloisonnées).
La perte de charge de ces silencieux est généralement faible, mais comme pour les silencieux à réflexion, les performances, et en particulier la gamme de fréquence d’atténuation maximale, dépendent très sensiblement de la vitesse du fluide et de sa température.
L’atténuation de ce type de silencieux est très forte en comparaison aux précédents.
L’atténuation est réalisée uniquement sur une fréquence, ce qui impose d’« accorder » le dispositif sur la fréquence à traiter.
Il n’y a pas de phénomène d’amplification sur ce type de silencieux.
Phase III – Validation sur compresseur à vis
Des essais de validation (comparaison par rapport à un état sans silencieux) ont été réalisés sur un compresseur pour les types de silencieux suivants :
- Chambre d’expansion ;
- Tube quart d’onde ;
- Résonateur d’Helmholtz.
Ces essais ont pour objectif de mettre en évidence les améliorations apportées par la mise en place des silencieux. Ils ont été réalisés sans et avec silencieux. De la même manière que dans les essais de caractérisation plusieurs régimes de fonctionnement du compresseur ont été mesurés.
Chambre d’expansion
L’atténuation des pulsations de pression réalisée par le silencieux à chambre d’expansion a eu pour conséquence une diminution des vibrations en sortie de compresseur et en entrée du réservoir. Ceci renforce l’hypothèse selon laquelle les pulsations de pression sont liées aux vibrations. Notons également que les écarts mesurés sont en accord avec ceux calculés théoriquement. De plus, le compresseur fonctionnant à des régimes variables (ω ≈ 900 à 3 000 tr/min), l’atténuation large bande du silencieux à chambre d’expansion semble bien adaptée.
La diminution des vibrations est plus importante au niveau de l’entrée du réservoir, car les vibrations au niveau du compresseur sont à la fois d’origine pulsatoire et d’origine mécanique. Seules les vibrations d’origine pulsatoire ont pu être diminuées par l’utilisation du silencieux.
Le silencieux utilisé étant de type réactif, il déphase les ondes pour réaliser une atténuation. Il devient donc amplificateur lorsque les ondes sont en phase. Ces phénomènes, liés aux principes mêmes des silencieux réactifs, peuvent sur le terrain réduire les performances.
L’utilisation d’un silencieux avec un diamètre plus important aurait permis d’augmenter le gain théorique d’atténuation et par conséquent d’obtenir des diminutions vibratoires plus importantes.
La caractéristique d’atténuation « large bande » de la chambre d’expansion est visible. En effet, l’ensemble des régimes de fonctionnement a bénéficié d’une atténuation, alors que le régime maximal avait été privilégié pour le dimensionnement du silencieux.
Tube quart d’onde et résonateur d’Helmholtz
Pour cette étude, deux autres types de silencieux de pulsation ont été étudiés :
- Quart d’onde (tube fermé) ;
- Résonateur d’Helmholtz.
Les tableaux ci-dessous présentent les résultats des comparaisons effectuées entre les niveaux d’accélération des configurations testées (sans silencieux, quart d’onde et Helmholtz) dans la bande de fréquence de 0 à 500 Hz.
L’analyse des résultats montre que les systèmes d’atténuation mis en place ont bien diminué les niveaux des pulsations de pression. En effet, l’analyse des signaux vibratoires dans la bande de fréquence de 0 à 500 Hz (phénomènes basses fréquences) montre des diminutions significatives. Pour autant, des phénomènes d’amplification ont été observés à l’entrée du réservoir sur le régime maximal. Une analyse détaillée des spectres montre que l’amplification est due à une augmentation de l’amplitude autour de 260 Hz, qui peut s’expliquer en partie par l’analyse des courbes d’atténuations théoriques. Selon les hypothèses prises pour la source (pression ou débit), ces courbes présentent des zones d’amplification autour de 270 Hz.
Conclusions
À travers une phase de caractérisation, de recherche de principes et de validation, l’étude a permis de vérifier partiellement l’hypothèse de travail, définie ainsi : les pulsations de pression seraient la cause principale des vibrations dans le réseau de tuyauterie. En effet, l’implantation des silencieux à pulsation de pression a permis de diminuer les niveaux vibratoires sur un point de vue global. Pour autant, ces systèmes de type réactif ont créé des zones d’amplification qui ont augmenté localement certains niveaux vibratoires.
L’analyse a également montré que les calculs effectués étaient proches des résultats expérimentaux. Il est alors pertinent de s’appuyer sur le calcul lors du dimensionnement d’un silencieux dans une ligne de tuyauterie.
Enfin, une connaissance précise de la nature exacte de la source permettrait probablement de mieux appréhender ces phénomènes vibratoires.