Lors des précédents articles relatifs au risque des atmosphères explosives (ATEX) dans l’industrie, nous nous sommes intéressés aux notions fondamentales sur les zones ATEX et avons proposé une aide au choix des équipements en zone ATEX. Nous nous sommes ensuite focalisés sur les essais à réaliser en laboratoire afin de caractériser l’inflammabilité et l’explosivité des substances. Puis, nous nous sommes concentrés sur la notion de sécurité intégrée et sur la méthodologie à mettre en œuvre dans une étude de risques ATEX. Dans ce numéro, nous allons vous proposer une aide au choix des matériels électriques et non électriques en zone ATEX.
RAPPEL SUR LES ATEX
Qu’est-ce qu’une ATEX ?
Selon la directive de référence (DIRECTIVE 1999/92/CE, 1999), une atmosphère explosive (ATEX) est un mélange avec l’air, dans les conditions atmosphériques, de substances inflammables sous forme de gaz, vapeurs, brouillard ou poussières dans lequel, après inflammation, la combustion se propage à l’ensemble du mélange non brûlé. En d’autres termes, une ATEX est un nuage de combustible en suspension dans l’air. Ce combustible peut être une vapeur inflammable (par exemple à la surface d’un liquide inflammable qui s’évapore facilement), un gaz inflammable (comme le propane ou le méthane), un brouillard (un brouillard d’huile en microgouttelettes en suspension dans l’air par exemple) ou un solide pulvérulent (de la farine en suspension dans l’air par exemple).
Qu’impose la directive européenne 1999/92/CE ?
L’objectif de la directive 1999/92/CE est d’améliorer la protection en matière de sécurité et de santé des travailleurs susceptibles d’être exposés au risque d’atmosphères explosives.
Qu’implique-t-elle pour l’employeur ?
Il faut savoir que la directive 1999/92/CE a été transposée en droit français par le décret n°2008-244 du 07/03/2008 codifié aux articles R4216-31 et R4227-42 à R4227-54 du Code du travail. Se mettre en conformité vis-à-vis du risque ATEX est donc une obligation réglementaire faisant entièrement partie du Code du travail.
L’employeur, et plus largement l’exploitant d’un site, a les responsabilités suivantes vis-à-vis du risque ATEX. Il est de sa responsabilité :
- D’évaluer les risques d’explosion d’une ATEX dans son établissement ;
- De classer en zones les emplacements dangereux ;
- De prendre des mesures techniques et organisationnelles de protection contre les explosions ;
- De sélectionner les nouveaux appareils et les systèmes de protection utilisés dans les zones dangereuses selon les directives 94/9/CE (avant avril 2016) et 2014/34/UE (depuis avril 2016) ;
- De coordonner les différents intervenants travaillants sur son site afin de diminuer les risques ;
- De rédiger un document relatif à la protection contre les explosions (DRPCE) mise en place sur son site.
Le classement des zones à risques d’explosion
(Selon la directive 1999/92/CE)
Définition des zones
Ce classement est une exigence de la directive 1999/92/CE. Les zones sont des espaces tridimensionnels délimités et classés en fonction de la fréquence et de la durée d’apparition d’une ATEX. Le classement en zone s’effectue toujours sous la responsabilité du chef d’établissement. Dans ce tableau, nous proposons la notion de probabilité d’apparition de l’ATEX qui est directement liée à la définition d’une zone.
À quelle norme puis-je me référer pour le classement des zones ?
Certaines normes existent pour l’aide au classement de zones ATEX. Il est à noter que ces normes n’ont réglementairement pas d’obligation à être appliquées et proposent une méthodologie pour ce classement de zone. On en retrouve principalement deux, pour le cas des gaz et vapeurs et pour le cas des poussières :
- EN 60079-10-1 Classement des zones (gaz)
- EN 60079-10-2 Classement des zones (poussières)
Il existe également des documents ou guides établis par des corporations (UIC, GESIP, etc.). Ces documents proposent souvent un classement de zone forfaitaire selon le type d’industrie. Si vous avez des doutes sur le classement de zone à appliquer sur votre site, n’hésitez pas à faire appel à des organismes dont c’est le métier !
Une fois les zones définies, il faudra s’assurer que le matériel présent ou installé dans ces zones soit en adéquation et conforme au classement de zone. Pour cela, on se réfère à la directive européenne 2014/34/UE qui impose un certain nombre de règles aux fabricants d’équipement afin que les matériels produits pour ces zones soient sûrs. La directive ne s’adresse pas à l’exploitant comme la directive 1999/92/CE, mais aux fabricants d’équipements destinés à être utilisés en zone ATEX.
Qu’impose la directive européenne 2014/34/UE ?
Cette directive remplace la directive 94/9/CE qui était valable du 01/07/2003 jusqu’au 20/04/2016. Depuis le cette date, les constructeurs ne peuvent mettre sur le marché que des appareils ou équipements conformes aux exigences de la directive 2014/34/UE s’ils sont destinés à être utilisés dans des atmosphères explosives dues à des gaz, des vapeurs ou des poussières.
Matériels concernés par cette directive
- Appareil destiné à être utilisé, entièrement ou en partie, dans une ATEX et possédant sa propre source d’inflammation ;
- Système de protection autonome (ne faisant pas partie intégrante d’un appareil) installé et utilisé en ATEX, qu’il possède ou non sa propre source d’inflammation ;
- Composant non autonome essentiel au fonctionnement sûr des appareils et des systèmes de protection définis ci-dessus ;
- Dispositif de sécurité, de contrôle et de réglage contribuant au fonctionnement sûr des appareils et des systèmes de protection, définis ci-dessus, au regard des risques d’explosion. Ce dispositif entre dans le champ de la directive même s’il est situé en dehors de l’ATEX.
On différencie alors les équipements destinés à être utilisés en ATEX gaz des équipements destinés à être utilisés en ATEX poussière. Les critères de sélection sont donc spécifiques à ces types d’atmosphères. Nous vous proposons de vous présenter ces critères de sélection.
SÉLECTION DU MATÉRIEL EN ATMOSPHÈRE EXPLOSIBLE GAZEUSE
Quatre critères de sélection doivent être respectés :
- Catégorie du matériel
- Groupe de gaz (ou subdivisions)
- Classe de température
- Température ambiante d’utilisation
1er critère : Catégorie du matériel
Suivant leurs degrés de protection contre les explosions, les appareils sont classés en trois catégories. Ces catégories, présentées dans la directive 2014/34/UE, sont détaillées dans le tableau ci-dessous. La zone à laquelle est destiné le matériel détermine le choix de la catégorie du matériel pouvant y être installé. Il est donc impératif d’avoir correctement dimensionné les zones ATEX pour savoir à quelle catégorie de matériel se référer.
La zone à laquelle est destiné le matériel détermine le choix de la catégorie du matériel pouvant y être installé.
Un matériel prévu pour une zone plus contraignante peut être installé dans une zone moins contraignante. Qui peut le plus, peut le moins !
2e critère : Groupe de gaz et subdivisions
Les gaz sont classés en différents groupes (I, IIA, IIB et IIC). Il appartient à l’utilisateur de matériel de vérifier que l’indication de subdivision portée sur un matériel est supérieure ou égale à celle dans laquelle est classée l’atmosphère baignant le matériel. Par exemple, un matériel marqué IIB peut être utilisé en présence de propane (IIA), mais pas en présence d’hydrogène (IIC). Les groupes de gaz dépendent de l’énergie minimale d’inflammation (EMI) et à l’interstice expérimental maximal de sécurité (IEMS). L’EMI est l’énergie minimale à partir de laquelle le mélange gazeux peut s’enflammer. Elle est exprimée en millijoules (mJ). L’IEMS est l’épaisseur maximale de la couche d’air entre deux parties d’une chambre interne d’un appareil d’essai qui, lorsque le mélange interne est enflammé empêche l’inflammation du même mélange gazeux externe à travers un épaulement de 25 mm de long. Elle s’exprime en millimètre. Ces grandeurs peuvent être retrouvées dans la littérature ou déterminées expérimentalement.
Il faut aussi différencier les groupes I et II. Le groupe I concerne le matériel destiné aux mines (sous-sols) et le groupe II concerne le matériel de surface. Le méthane de groupe I fait donc référence au fameux grisou des mines. Il est à noter que le méthane pour le matériel de surface est classé en IIA sous réserve que sa teneur en hydrogène ne dépasse pas 25 % en volume.
3e critère : Classe de température
Il appartient à l’utilisateur de matériel de vérifier que la température d’auto-inflammation de l’atmosphère est supérieure à la température maximale de surface des appareils (définie par sa classe). Autrement dit, qu’une surface de ce matériel ne peut pas atteindre la température d’auto-inflammation de l’atmosphère explosive.
Par exemple, un appareil dont la température maximale de surface est de 105 °C sera classé T4. Il arrive parfois que la valeur de température soit directement indiquée sur l’équipement (par exemple 140 °C).
4e critère : Température ambiante d’utilisation
La classe de température d’un matériel n’est valable que pour une température ambiante d’utilisation donnée (ou une gamme de température d’utilisation donnée). Il appartient à l’utilisateur de vérifier que le matériel va être utilisé à une température ambiante conforme à celle prévue lors du classement.
SÉLECTION DU MATÉRIEL EN ATMOSPHÈRE EXPLOSIBLE POUSSIÈRES
Pour les poussières également, quatre critères de sélection doivent être respectés :
- Catégorie du matériel
- Groupe de poussières
- Température limite de surface
- Température ambiante d’utilisation
1er critère : Catégorie du matériel
Suivant leur degré de protection contre les explosions, les appareils sont classés en trois catégories. Ces catégories, présentées dans la directive 2014/34/UE, sont détaillées ci-dessous :
On remarque que le G des gaz a laissé place au D des poussières (D est utilisé pour dust en anglais). La zone à laquelle est destiné le matériel détermine le choix de la catégorie du matériel pouvant y être installé.
Ici encore, qui peut le plus peut le moins.
2e critère : Groupe de poussières
Les poussières sont classées en différents groupes (IIIA, IIIB et IIIC). Il appartient à l’utilisateur de vérifier que l’indication de subdivision portée sur un matériel est supérieure ou égale à celle dans laquelle est classée l’atmosphère baignant le matériel. Par exemple, un matériel marqué IIIB peut être utilisé en présence de particules combustibles en suspension dont la taille est supérieure à 500 μm (IIIA), mais pas en présence de poussières dont la taille est inférieure ou égale à 500 μm et qui sont en plus conductrices (IIIC). La résistivité volumique est la grandeur permettant de classer les poussières. Il s’agit d’un essai à réaliser en laboratoire.
3e critère : Température limite de surface
Ces températures limites sont les températures maximales que peuvent atteindre les appareils en fonctionnement normal. Les températures limites indiquées sur les matériels doivent évidemment être inférieures aux températures minimales d’inflammation en nuage ou en couche des poussières concernées (des coefficients de sécurité doivent, en outre, être appliqués). Les températures minimales d’inflammation sont déterminées expérimentalement (cf. page 43, Journal du Vrac n°146).
4e critère : Température ambiante d’utilisation
Tout comme pour les gaz, la température limite indiquée sur le matériel n’est valable que pour une température ambiante d’utilisation donnée (ou une gamme de température d’utilisation donnée). Il appartient à l’utilisateur de vérifier que le matériel va être utilisé à une température ambiante conforme à celle prévue lors de la détermination de la température limite.
Expertise réalisée par Vinent Griffon et Camille Durand, experts à l’Ineris